Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

découragement

Classé dans : - époque contemporaine,littérature et culture — 21 janvier, 2010 @ 9:26

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Une fois dehors, il cligne des yeux, le jour est mieux réveillé que lui, mais le jour n’a aucune raison de se sentir misérable. Il faut qu’il profite du soleil, on dirait même que ça lui fait du bien. L’idéal serait de retourner à Bâle, de rejoindre Urseli et les enfants, et Hans. Il irait bien mieux, c’est sûr, avec plus de soins et les humeurs de l’air un peu moins humides, peut-être que… Deux mois, a dit le physicien, deux mois en plus des six prévus. S’il vivait encore, Metz ne lui reprocherait pas de ne pas avoir terminé sa commande; pauvre évêque, le corps à peine refroidi dans sa tombe… 

            Il suit la rive droite du Léman, qui lui paraît à présent plus chaude ; de chez lui au lac, il n’y a pas loin, peut-être que la promenade lui ouvrira l’appétit et lui fera manger quelque chose, le jeûne n’est pas bon pour ce qu’il a ; et le paysage lui a toujours plu. Le lac ressemble à un miroir d’eau. La lumière sévère d’octobre est bien plus forte, reflétée sur la calme surface, les maisons de Genève, là en haut, sur l’autre rive, paraissent brillantes et suspendues comme les anciens jardins de Babylone, et les tours de la cathédrale St Pierre se découpent dans le lointain comme des doigts pointés vers les cieux. …

(une cathédrale qui, c’est le plus probable, ne verra jamais terminé le retable commandé il y a peu de temps par François de Metz, à Bâle.).

            Il sent une faiblesse dans les jambes, et ce n’est pas de la fatigue; sa poitrine halète, et ce n’est pas la toux; ses yeux se troublent, et ce n’est pas de la torpeur. Ce n’est que lui qui se brise. Bref, son âme se sépare de lui. Assis sur la rive droite du Léman, avec la lumière reflétée sur la surface des eaux devant lui et les maisons sur l’autre rive déjà brouillées par la violente lumière et par les larmes, Konrad sent que de ses yeux, creusés par de longs jours de maladie et une nuit d’insomnie, jaillissent deux ruisseaux qui coulent sur ses joues. Sa main tremble lorsqu’il la pose sur son front. Il n’essuie pas ses larmes, il se laisse pleurer. C’est ainsi qu’il se brise, immobile, l’âme exsangue.

Sérgio Luís de Carvalho, O retábulo de Genebra, Campo das letras, 2008 (inédit en français)

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