Archive pour février, 2010
mirage
Sur tes dents
le soleil
est un diamant de fantaisie
la lune
un tesson de bouteille
et
le mensonge
une vérité vagabonde
errant comme une tortue d'eau
autour de la lagune des yeux de la nuit
dans les ténèbres veloutées
de ta peau
tes doigts curieux
sont des étoiles d'ivoire
en quête
d'un jour capricieux
qui fait éclore un mirage
par-delà les dos bossus des éléphants endormis
Arlindo Barbeitos (Catete, Angola), Angola, angolê, angolêma,
Sá da Costa, 1975
Maria
Xutos & Pontapés – Maria ( Pavilhão Atlântico, Lisbonne, 8 octobre 2004)
De Bragança à Lisbonne
Il y a 9 heures de distance
J’aimerais avoir un avion
Pour arriver plus vite
J’ai oublié la tolérance
J’ai déjà pris trois radars
Pour être plus près de toi
Pour que tu te donnes à moi
Et j’arrive!
Et je cours !
Et je m’en vais !
Et je cours !
Je serai bientôt là !
Et je cours pour toi… Maria!
la mer
(photographie Fatima Leitao)
Je t’écris ces vers en blanc,
avec la blancheur de l’écume née de la vague.
Je t’écris ces vers en noir,
avec la noirceur de la nuit dans la vague endormie.
Dans le blanc du vers j’écris en noir l’amour
que la mer cachera si quelqu’un veut le lire.
Dans le noir du poème écrit sur le blanc du vers
le ciel laissera un fond bleu à marée basse.
Et sous le bleu du ciel, dans le blanc du vers,
le poème sera blanc et noir comme l’arc-en-ciel d’une fleur.
Lavé par l’écume d’une vague qui s’est brisée,
c’est dans la mer qu’on lit, en noir et blanc, ce qu’est l’amour.
Nuno Júdice, 21 janvier 2008
Sirventès (rien ne change)
Je vois les gens changer d’avis
et d’affection rapidement
dans les affrontements de castes
c’est cela qu’à présent j’apprends
et bientôt encore j’apprendrai :
à qui j’ai promis, je mentirai,
et ce faisant je prospèrerai.
Car je vois que le menteur se porte mieux
que celui qui dit la vérité à son ami ;
et c’est pourquoi je jure et j’affirme,
que je ne serai plus jamais sincère,
mais que je mentirai et soutiendrai tout :
à qui je veux du bien, je voudrai du mal,
et j’en deviendrai meilleur chevalier.
Ni mon prestige ni mon honneur ne croissent,
parce que j’ai voulu dire la vérité,
je sais ce que je ferai, par charité,
en voyant ce qui est en train de m’arriver,
je mentirai à mon ami et à mon seigneur,
et mon prestige augmentera, et ma valeur
si je mens, car quand je suis sincère ils diminuent.
Pero Mafaldo CA 435/CBN 316 ( Aragon), biographie inconnue
lecture olfactive
Je lis ces vers en pourpre
Les tirant de la brume où ils nagent
Je lis ces vers en vert
Comme fond de teint de mon ordinaire
La mer ne cache jamais
Les reflets de lumière du texte
Qui ruissellent sur le fond de la nuit
Se détachant des embruns
Comme autant de dauphins volcaniques
Passé les frontières du temps
Les vers se lisent en odeurs et arômes
Comme autant de saveurs
la pluie, toujours…
Il pleut beaucoup, plus, toujours plus… On dirait que quelque chose va s’abattre sur l’extérieur sombre…
[...] Où que se porte mon regard, tout est couleur de pluie, noir pâle.
J’ai des sensations étranges, toute froides. Il me semble que l’essentiel du paysage est brume et que les maisons sont la brume qui le voilent.
Une sorte de pré-névrose de ce que je serai quand je ne serai plus me glace le corps et l’âme. Une espèce de souvenir de ma mort future me fait frissonner de l’intérieur. Dans un brouillard d’intuition, je me sens matière morte, tombée avec la pluie, gémie par le vent. Et le froid de ce que je ne sentirai pas mord mon cœur d’aujourd’hui.
Fernando Pessoa, O livro do desassossego.
rencontres
Je salue la mort de loin. Je cherche toujours des sommets, des abîmes, un fleuve large. Et je fais de grands gestes, pleins de jovialité. Je la séduis de mille manières et elle sourit parfois embarrassée, les yeux baissés. Je sais que rien ne l’émeut plus que mon silence… Mais je sais que c’est ce silence qui nous rapproche, et lorsque je ne réussis pas à m’échapper je lui murmure à l’oreille :«Notre amour ne peut se terminer si vite…» Je sens qu’il y a de la cordialité dans mon aveu et je sens l’ardeur des baisers qu’elle m’envoie de loin. Comme ils sont menteurs, ceux qui disent : «Froid comme la mort ! »
Dimíter Ánguelov, Névoa com flor azul no meio, 1999