usure du silence
Berthe Morisot, Femme à l’éventail
ou Au bal (1875)
Je me suis assis en face de toi dans l’attente
de t’entendre parler dans le jour qui vient de la fenêtre,
et t’enveloppe de la chaleur humide d’une
parole divine. Mais tu as ouvert
l’éventail, en disant qu’il était trop tard pour discuter
des oracles. J’ai accepté ta réponse, comme
si tu me disais que les interrogations peuvent
attendre à demain. Au fond, tu montrais seulement
le mouvement exact de ta main, qui tenait l’axe
de ton petit monde; et tout ce qui se passait
c’était ton geste. J’ai attrapé les formes et les couleurs
de ce morceau tremblant de vie dans l’angle
que ton corps a formé avec la lumière; et j’ai suivi le déclin
des paupières que l’amour m’offrait, sachant
que l’usure du silence correspond à l’instant
où les regards s’attachent, comme des astres
dans la déclinaison d’un horoscope.