Lusopholie

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Le macaque

Classé dans : - époque contemporaine,littérature et culture — 30 mars, 2010 @ 7:30

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La Reine Nzinga Mbandi Ngola, reine de Matamba et d’Angola (1587-1663)

En 1621, Mendo Antunes ne se souvenait déjà plus combien de fois il avait traversé les entrelacs de sentiers étroits et difficilement praticables qui conduisaient à la cour centrale du palais. Malgré tout, il avait toujours besoin d’un guide. Non qu’il eût peur des sentinelles ou de l’obscurité. Mais il n’avait toujours pas compris le labyrhinte. Ni la femme qui l’attendait. Sereine, toujours inaccessible, Jinga sourit :
- Alors, macaque, on vient manger avec moi ?

[...]

Lorsque Calunda fut parti, Mendo, Quituxe et la reine restèrent ensemble. Ils parlèrent de la guerre contre les jagas et des plans de Jinga pour affaiblir son frère, N’gola Mbande. Mendo Antunes connaissait l’histoire : lorsque N’gola Quiluange – le père de Jinga – était mort, Mbande avait tenté de se débarrasser des possibles prétendants à la succession du royaume, et réussi à tuer son frère cadet et son neveu, fils de Jinga, encore enfant. Jinga était absente lorsque son campement avait été envahi par les guerriers de Mbande. L’enfant avait été assassiné sur place par le chef de l’expédition.
L’histoire était sordide en soi ; mais Mendo Antunes ne put contenir une expression d’horreur quand il sut que l’assassin du fils de Jinga – précisément l’homme qui avait guidé les guerrier de Mbande – était là à cet instant, en train de jouir de la beauté de l’une des suivantes de la reine.
- Calunda, expliqua Jinga, aura son heure. Aujourd’hui, il est encore utile.
- Mais, Majesté, vous n’avez rien fait ?
- J’ai pris quelques affaires du petit, je les ai emballées dans une étoffe et je les ai laissées à une croisée de chemins. Le lendemain, elles n’y étaient plus. C’était celui qui les a ramassées qui souffrirait. Pas moi.
La froideur et la dureté de la réponse tombèrent avec une telle force sur l’indignation de Mendes qu’il ne sut plus que dire. Et Jinga continua :
- Regardez cette pierre et essayez de la détruire. Peut-être quelqu’un arrivera-t-il à la transformer en poussière. Mais cette poussière continuera à emplir ma main. Le mal est comme la pierre ou n’importe quoi d’autre : il ne se perd pas, il ne se crée pas. Il ne fait que se déplacer. Réfléchissez un peu à ça.
- Excusez-moi, Majesté ; mais je ne vois pas le rapport entre l’impunité d’un criminel et une pierre qui devient poussière.

- Vous n’êtes pas totalement stupide. Mais vous avez vraiment une tête de macaque.

Alberto Mussa (Rio de Janeiro), O Trono da Rainha Jinga, 1999.

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