Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

Archive pour mars, 2010

usure du silence

Posté : 16 mars, 2010 @ 7:18 dans - époque contemporaine, littérature et culture | 2 commentaires »

ventail.jpg

Berthe Morisot, Femme à l’éventail
ou Au bal
(
1875)

Je me suis assis en face de toi dans l’attente
de t’entendre parler dans le jour qui vient de la fenêtre,
et t’enveloppe de la chaleur humide d’une
parole divine. Mais tu as ouvert
l’éventail, en disant qu’il était trop tard pour discuter
des oracles. J’ai accepté ta réponse, comme
si tu me disais que les interrogations peuvent
attendre à demain. Au fond, tu montrais seulement
le mouvement exact de ta main, qui tenait l’axe
de ton petit monde; et tout ce qui se passait
c’était ton geste. J’ai attrapé les formes et les couleurs
de ce morceau tremblant de vie dans l’angle
que ton corps a formé avec la lumière; et j’ai suivi le déclin
des paupières que l’amour m’offrait, sachant
que l’usure du silence correspond à l’instant
où les regards s’attachent, comme des astres
dans la déclinaison d’un horoscope.

Nuno Júdice

Revenir à la page d’accueil
compteur stats

La pluie

Posté : 15 mars, 2010 @ 7:05 dans - époque contemporaine, littérature et culture | 4 commentaires »

Revenir à la page d’accueil

chuva2.jpg

osmanos.blogs.sapo.pt

Il attendait Eva dans un café. Il était impatient et battait la mesure sur la table avec ses doigts. Cela aurait pu déranger les autres mais il y avait quatre jours qu’il pleuvait sans interruption et les gens ne s’occupaient que de la pluie. Lui et Eva ne s’étaient pas vus depuis un mois et Eva était en retard comme d’habitude. Il essaya de se calmer en regardant la pluie qui battait sur la vitre poussée par le vent. La pluie était faite de nombreuses gouttes rondes qui perdaient rapidement leur forme et glissaient sur la vitre en formant une rayure. Des rayures d’eau sur la vitre. Eva devait être coincée dans les embouteillages mais pour une fois il ne pouvait pas attendre aussi longtemps qu’il le fallait. Une voiture klaxonna un homme qui traversait la rue. Une femme s’abrita sur le seuil d’une boutique en regardant désespérément vers le ciel. Un autre protégea son fils en serrant sa grosse veste et en sortant son capuchon, l’enfant se plaignit parce que la laine lui écorchait la peau. Les jours de pluie les gens étaient plus beaux et vus de l’intérieur du café ils étaient des poissons dans un aquarium.

(more…)

Méchanceté

Posté : 12 mars, 2010 @ 8:31 dans - moyen âge/ XVIème siècle, littérature et culture, Poesie | Pas de commentaires »

 Méchanceté dans - moyen âge/ XVIème siècle trouba10

Don Martin Marcos est mort, si c’est la vérité,
je sais qu’avec lui est morte la malhonnêteté.
Morte l’imbécillité, morte la vacuité,
Mortes la lâcheté et la méchanceté.

Si Don Martin est mort sans honneur ni bonté,
Et si vous en cherchez un autre, par curiosité,
en vain fouillerez-vous de Rome à la cité ;
demandez-moi, je satisferai votre volonté.

Je peux vous dire un autre chevalier, par charité,
qui vous aiderait à consoler votre regret.
Laissez-moi vous le dire, au nom de la vérité :
il n’est ni roi ni comte, mais d’autre qualité,

que je tairai, que je dirai, que je tairai…

Pero da Ponte (Galice) début du XIIIe siècle

 

Revenir à la page d’accueil

Marie Albertine

Posté : 11 mars, 2010 @ 1:53 dans - époque contemporaine, littérature et culture, musique et chansons | 4 commentaires »

Image de prévisualisation YouTube

António Variações (groupe Humanos)

Maria Albertina

Maria Albertina laisse-moi te dire…

Ton nom n’a rien d’extraordinaire

mais

il est de notre terre
et il est charmant

Maria Albertina, qu’est-ce qui t’a pris
d’appeler ta fille Vanessa ?

Car elle est bien brune et bien potelée…

 

une leçon

Posté : 10 mars, 2010 @ 7:03 dans - époque contemporaine, littérature et culture | 2 commentaires »

brigand.jpg

www.lamortdanslart.com

Eugénio avait beaucoup de peine pour son père, mais il ne parvenait pas à l’aimer. Il savait que les enfants doivent aimer leurs parents. L’institutrice parlait en classe d’ « amour filial », racontait des histoires, donnait des exemples. Mais, pour autant qu’il s’efforçât, Eugénio ne réussissait pas à dépasser la pitié. Il avait pitié de son père. Parce qu’il toussait, parce qu’il soupirait, parce qu’il se plaignait, parce qu’il s’appelait Ângelo. Ângelo est un nom pour gens malheureux, un nom d’assassiné. Eugénio ne pouvait regarder son père sans se rappeler la septième leçon du Second Livre de Lecture.
[...]
Ângelo était un vieux portugais très travailleur et honorable, agriculteur aux environs d’une petite ville du Portugal. Un jour, il alla à la ville, emportant avec lui un gros chargement de céréales, fruit de son labeur, afin de le vendre à la foire, qui avait lieu une fois par mois.
Ayant fait de bonnes affaires, il rentrait à sa masure, rapportant des tissus et d’autres objets dont manquait sa famille idolâtrée.
Un brigand, qui l’avait suivi intentionnellement pendant la foire et l’avait vu vendre ses céréales, alla l’attendre sur la route de la montagne, pour l’assassiner et le voler.
Alors que le pauvre vieux marchait, content, sur la route qui menait à sa chaumière, le malfaiteur lui saute dessus tout à coup et le poignarde.
Ângelo put à peine prononcer ces mots, en exhalant son dernier soupir : « Maudit ! Qui blesse par le fer, par le fer sera blessé ! »
En vain la police chercha-t-elle à savoir qui était l’assassin d’Ângelo. Il n’y avait pas de témoins et le crime resta impuni. Un an plus tard, un brigand, à la même foire, provoqua une bagarre et il fut poignardé.
Le brigand, sachant qu’il allait mourir, avoua être l’auteur de l’assassinat du pauvre Ângelo et dit :
- Il a bien dit à l’heure de sa mort : « Qui blesse par le fer, par le fer sera blessé ! »
L’histoire avait eu chez Eugénio des échos mystérieux. Chaque fois qu’il la relisait, il prêtait à l’assassiné les traits de son père. [...] Comment était-ce possible qu’il existe dans le monde des gens qui avaient le courage de poignarder d’honnêtes travailleurs comme le pauvre Ângelo ? Eugénio imaginait la tristesse de la « famille idolâtrée » qui avait sûrement fini dans la misère, il voyait en pensée le petit âne trottant désemparé sur la route, ou alors près de son maître mort, lui léchant le visage avec amour. « Qui blesse par le fer, par le fer sera blessé ». Ces mots évoquaient dans son esprit d’autres que sa mère avait coutume de prononcer : « Dieu punit ».

Erico Veríssimo (Rio Grande do Sul), Olhai os lírios do campo, Livros do Brasil, 1938

Revenir à la page d’accueil
analyse fréquentation web

Les deux visages

Posté : 8 mars, 2010 @ 5:03 dans littérature et culture | 1 commentaire »

 

pedrolyra.jpg

Pedro Lyra 
Regarde bien citoyen, et vois
Le monde que nous construisons pour les enfants :

Une tranquillité absolue dans les rues ;
Aucun cri discordant ;
Tout le monde au labeur productif

C’est la paix. C’est l’ordre. C’est le travail.
Aucun motif d’insatisfaction.

- Je vois
Paix, ordre travail

Votre monde est sûr comme une caserne
Et la vie a surgi pour le risque de la vivre

Les feuilles des arbres ne se balancent même pas :
Mais moi
Je rêve d’un monde au mouvement équilibré,
Pas de l ‘annulation du mouvement ;

Même les pierres obéissent :
Mais moi je veux
Un monde où les contraires s’harmonisent,
Pas l’élimination des contraires

Même les âmes transpirent :
Mais moi je lutte pour un monde
Où non seulement l’homme réalise des activités,
Mais où les activités réalisent aussi l’homme

Un monde
De paix, d’ordre, de travail

(Et de justice,
Et de liberté,
Et de plaisir.)

Pedro Lyra, (Rio de Janeiro), in Vision de l’être / Visao do ser/ anthologie Harmattan 2000 (collection poètes des cinq continents) édition Bilingue Fançais/Portugais
(Professeur de lettres et critique littéraire, il a publié des poèmes (premier recueil, Sombras, 1967), des essais sur la poésie et une anthologie critique des poètes de la génération 60 (Sincretismo, 1995).

L’émeute

Posté : 5 mars, 2010 @ 9:55 dans littérature et culture | Pas de commentaires »

 

cathdralestpierre.jpg

Cathédrale St Pierre de Genève

Le bruit de la foule se répand dans la paix de la ville de Genève.

Les cris fous de la petite foule réunie au Bourg-de-Four troublent le dimanche, les bons bourgeois regardent de biais et interrompent un instant leur promenade dominicale où ils profitent de la chaleur de l’été suisse dans les rues étroites de la vieille ville.
Oui, c’est dimanche. Un jour qui n’a pas l’habitude, d’ailleurs, de ce genre d’agitation, les protestants et les catholiques en sont d’accord, bien que sur le reste il exite plus de divergences que de concordances. Et si les bazars et les boutiques, les tentes et les ateliers qui entourent le reste de la ville sont fermés pour célébrer le jour saint, la circulation des Genevois dans les rues n’est pas moindre, car la chaude sérénité de cette matinée semble plus propice à des promenades en famille qu’à des disputes théologiques.
Mais les temps changent ; comment Genève pourrait-elle se soustraire à ces changements? Depuis des mois, les papistes et les protestants se battent, crient et se disputent pour le contrôle de la ville, qui semble chaque jour qui passe revenir davantage aux adeptes de Luther et Calvin qu’aux partisans du pape Paul III et de l’évêque savoyard qui le représentait dans la région. Qui le représentait, je dis bien, car il y a deux ans déjà que, effrayé par les clameurs et les progrès de la Réforme, l’évêque Pierre de la Baume – nommé par la Maison de Savoie pour représenter la noblesse papiste et la religion romaine à Genève – a fui la ville, la laissant à la merci de ceux-là mêmes qui maintenant, en ce dimanche davantage consacré aux promenades en famille qu’à des discussions au sujet du culte, se rassemblent au Bourg-de-Four en poussant des hauts cris, animés de fermes intentions.
- Les saints ne sont pas nos procurateurs !

(more…)

cigognes et quelques fleurs

Posté : 4 mars, 2010 @ 8:35 dans - époque contemporaine, Poesie | 4 commentaires »

sdc11883.jpg

 

sdc11884.jpg

 

sdc11885.jpg

 

sdc11886.jpg

 

sdc11887.jpg

 

sdc118881.jpg

123