Trahisons
Elle a pris sa bicyclette contre le mur derrière la maison, elle était presque assourdie par la violence des battements de son coeur. Elle n’avait jamais pris tant de risques. La rue des Peintres lui a paru un long cauchemar, interminable. Le panneau mural d’Ezequiel, où Che Guevara vous regarde droit dans les yeux, se détachait sur les maisons blanches comme un fantôme. Hasta la victoria. Il suffisait que quelqu’un ouvre une fenêtre. Si un chien aboyait, si un ivrogne apparaissait en titubant à un coin de rue. Tout serait perdu. Il suffisait que passe près d’elle une silhouette qui se hâte, à l’aller ou au retour du Centre de Travail, où l’avenir de la réforme agraire cherchait une issue sous la lumière crue de deux lampes fluorescentes. Le propriétaire n’a même pas encore payé le blé de la réserve précédente, que nous avions aussi semé. Alors quelqu’un entrait qui lui chuchoterait discrètement, sans doute désolé pour ce père, un de plus, trahi par les envies inexplicables de cette triste jeunesse.
- Ta fille descendait de chez toi en bicyclette, Bernardo.