Le sel de la terre
ous, dit Christ notre Seigneur en parlant aux prêcheurs, vous êtes le sel de la terre. Il dit le sel de la terre, parce qu’il veut qu’ils agissent sur la terre comme le sel. L’effet du sel est d’empêcher la corruption. Mais lorsque la terre est aussi corrompue que la nôtre, malgré tous ceux qui font office de sel, quelle peut-être la cause de la corruption ? Soit que le sel ne sale pas, soit que la terre ne se laisse pas saler. Soit que le sel ne sale pas – et que les prêcheurs ne prêchent pas la vraie doctrine, soit que la terre ne se laisse pas saler – et que ceux qui écoutent, comme la doctrine est vraie, ne veulent pas la recevoir. Soit que les prêcheurs disent une chose et en font une autre, soit que ceux qui écoutent veulent imiter ce qu’ils font et font ce qu’ils disent.
Soit – les prêcheurs se prêchent à eux-mêmes et non à Christ, soit ceux qui écoutent au lieu de servir Christ, servent leurs appétits. N’est-ce pas ? Tant pis.
Saint Antoine prêchait en Italie, à Rimini, contre les hérétiques, qui étaient nombreux. Et comme les erreurs d’entendement sont difficiles à extirper,non seulement le saint n’obtenait aucun résultat, mais encore le peuple en vint à se révolter contre lui, et peu s’en fallut qu’il n’y perdît la vie. Que ferait dans ce cas l’âme généreuse du grand Antoine? Secouerait-il la poussière de ses chaussures, comme Christ l’a conseillé en d’autres lieux ? Mais Antoine, pieds nus, en était incapable, et ses pieds, où la terre n’était pas accrochée, n’avaient pas besoin d’être secoués. Que ferait-il ? Se retirer? Dissimuler ? Se taire ? Donner le temps au temps ? Voici ce que la prudence et la couardise humaines conseilleraient; mais le zèle de la gloire divine, qui brûlait dans sa poitrine, ne se rendit pas à de tels arguments. Il décida donc de changer de chaire et d’auditoire, sans renoncer à la doctrine; il quitte les places, il va aux plages. Il quitte la terre, et va à la mer, et déclare à haute voix: puisque les hommes ne veulent pas m’écouter, que les poissons m’écoutent ! Oh ! Merveilles du Très Haut ! Oh ! Pouvoir de celui qui créa le ciel et la terre ! Les eaux se mettent à bouillonner, les poissons se rassemblent, les gros, les très gros, les petits, et tous, la tête hors de l’eau sur son ordre, tandis qu’Antoine prêchait, ils écoutaient.
[...]Saint Antoine fut le sel de la terre et le sel de la mer.
Padre António Vieira (Lisbonne 1606 – Salvador de Bahia 1695)
Extrait du Sermão de Santo António aos Peixes (Sermon de Saint Antoine aux poissons), 1654
Saint Antoine de Padoue s’appelait Fernando de Bulhões et était né à Lisbonne vers 1195.
2 commentaires »
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Il me semble que l’on vient de reéditer l’oeuvre complète de Padre Antonio Vieira. C’est exact ?
Oui, je pense, on a célébré récemment son 400ème anniversaire de naissance: http://lusina.unblog.fr/2008/02/20/sermon-aux-poissons/