braconnage
Les trois amis ressemblent à des statues, confondus depuis plusieurs heures avec les arbres tordus, immobiles et patients comme eux. Et à mesure que l’obscurité se retire, dans ce moment gris où la lumière et les couleurs ne se voient pas encore, un décor splendide apparaît peu à peu. Au milieu, fouillant dans la boue (la seule humidité sur des kilomètres, si nous exceptons les petites particules qui vont sécher bientôt à l’intérieur, avec la chaleur du soleil) un couple d’immenses éléphants doublement gris, gris de boue et de leur propre peau épaisse. Plus loin, patientes, quelques gazelles attendent que les énormes bêtes se fatiguent du jeu pour pouvoir elles aussi bénéficier de ce mirage de paradis. Les éléphants sont insouciants, confiants dans leur propre force et dans l’air limpide qui ne leur apporte rien d’autre que l’odeur des gazelles impatientes. S’ils avaient fait plus attention ils auraient vu luire, un court instant, le canon de l’arme de Suzé Mantia faisant signe à ses compagnons. Insouciants comme ils sont, ce ne sont même pas des adversaires mais seulement deux monstres boueux d’où sortent deux énormes et belles paires de défenses d’ivoire.
- Pan ! Le tir de Mantia est sûr, il déchire l’air avec un sifflement aigu et abat le mâle d’un coup. Le femelle voit son compagnon surpris suspendre ses gestes avant de tomber pesamment sur ses quatre pattes désarticulées, muet et mort. Elle émet alors un hurlement prolongé qui fait trembler la terre et étouffe complètement les tirs de João et William (Pan ! Pan ! ), qui lui sont destinés. Ceux-ci n’ont pas été fatals et ont redoublé sa rage face à une audace qu’elle ignore, qui la prive de son compagnon et interrompt son bain.