José Saramago et la mort
- Comment voyez-vous votre avenir ?
- J’ai 84 ans, je peux vivre encore trois ou quatre, ou cinq ans…
- La mort ne vous fait pas peur ?
- Non, non, non. Le pire que je voie est que… avant, on existait, et après on n’existe plus. Une autre façon de dire la même chose que ma grand-mère, alors qu’elle devait déjà être fatiguée de vivre : « le monde est si beau que ça me fait beaucoup de peine de mourir. » Ce n’est pas de mourir qui lui faisait de la peine, c’était de ne plus exister, dans l’avenir, pour continuer à voir ce monde qu’elle trouvait si beau.
Laissons parler le romancier :
« La mort sait tout de ce qui nous concerne, et c’est peut-être pour cela qu’elle est triste. S’il est sûr qu’elle ne sourit jamais, c’est seulement parce qu’elle n’a pas de lèvres, et cette leçon d’anatomie nous dit que, contrairement à ce que pensent les vivants, le sourire n’est pas une question de dents. Certains disent, avec un humour moins macabre que de mauvais goût, qu’elle a finalement une sorte de sourire permanent, mais ce n’est pas vrai, ce qu’elle montre est une grimace de souffrance, parce que le souvenir du temps où elle avait une bouche, et sa bouche une langue, et sa langue de la salive, la poursuit continuellement. »
(Extrait de Les intermittences de la mort, Seuil, janvier 2008.)
José Saramago, prix Nobel de littérature 1998, est mort à Lanzarote (Canaries) le 18 juin 2010
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.