Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

Archive pour octobre, 2010

Roses

Posté : 8 octobre, 2010 @ 8:43 dans - XIXème siècle, littérature et culture | Pas de commentaires »

 

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« Certains pleurent de savoir que les roses ont des épines, et d’autres sourient de savoir que les épines ont des roses ! » (Machado de Assis)

Pour les roses, a écrit quelqu’un,
le jardinier est éternel.
Et quelle meilleure façon de blesser l’éternel
que de se rire de ses colères ?

Je passe, tu restes;
mais je n’ai fait que fleurir et parfumer,
servir les dames et les demoiselles, être lettre d’amour,
orner la boutonnière des hommes, ou exhaler mon arôme
sur ma branche, et toutes les mains, tous les yeux m’ont sentie
et traitée avec admiration et affection.

Pas toi, ô éternel ;
tu t’énerves, tu souffres, tu pleures, tu t’affliges !
ton éternité ne vaut pas un seul de mes instants.

Machado de Assis (Rio de Janeiro), 1839-1908

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Face cachée

Posté : 5 octobre, 2010 @ 8:30 dans - époque contemporaine, littérature et culture, Poesie | 4 commentaires »

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Desenho no teu rosto as linhas

Je dessine sur ton visage les lignes

de uma lua límpida; e peço-te

d’une lune limpide; et je te prie

que me deixes ver a outra face,

de me laisser voir l’autre joue

onde a luz obscura dos astros

où la lumière obscure des astres

cai como sombra de rosa.

tombe comme une ombre de rose.

Mas prendes os cabelos num

Mais tu attaches tes cheveux à un

rebordo de nuvem; e a rotação

rebord de nuage; et la rotation

da terra coincide com a direcção

de la terre coïncide avec la direction

dos teus olhos, para que nos

de tes yeux, pour que nous nous

encontremos na órbita do amor.

retrouvions dans l’orbite de l’amour

Nuno Júdice, A a Z

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Une femme de tête

Posté : 4 octobre, 2010 @ 9:34 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

Une femme de tête dans - époque contemporaine cuecas10

Photo www.brasilyane.com

« J’ai perdu mon pucelage en 1970 ! C’est pour ça que tout le monde m’appelle Chiquinha Septante… Je suis née à Benguela, dans la Baía Farta, mais je suis venue toute petite à Luanda. J’ai d’abord vécu avec des oncles, mais j’ai ensuite décidé de faire la vie… J’ai connu beaucoup d’hommes, je me suis fait avorter plusieurs fois, mais je ne me suis jamais mariée. J’ai deux enfants dont je ne connais pas les pères, mais quelle importance ? Après l’indépendance, je me la suis jouée révolutionnaire (il fallait être complètement folle !) et je suis rentrée dans les FAPLA, mais heureusement, j’ai réussi à en sortir… Maintenant je suis une femme d’affaires ! Je vais au Brésil, en Afrique du Sud et en Namibie acheter des fringues pour les revendre à Luanda, et pas seulement là…. »
Chiquinha Septante tâta de nouveau son sac à main, pour s’assurer de la présence du portable qui allait faciliter ses contacts professionnels, y compris internationaux.
Juste pour donner un exemple, le lendemain il faudrait qu’elle appelle son associée Aparecida, à Rio, pour avoir des nouvelles de la commande de slips de femmes (un modèle osé, avec une ouverture érotique en forme de cœur sur le devant, qui, d’après son expérience, aurait sûrement un grand succès auprès de ses clientes) qu’elle lui avait faite au début du mois. L’évocation de cette obligation lui fit, par l’un de ces mystères insolubles de l’esprit humain, se souvenir de la mulâtresse de Uíge, et la pensée qu’elle lui destina ne pouvait être plus scabreuse : « Cette ringarde de merde ne doit même pas porter de culotte ! »
Le taxi s’approchait de l’endroit où elle devait descendre. S’étant aperçue que l’albinos allait également descendre là, elle ne put s’empêcher d’éprouver une légère appréhension ; mais une manœuvre risquée du chauffeur, qui dépassa deux files de voitures pour braquer aussitôt vers la droite en accélérant résolument, pendant qu’à l’intérieur l’étudiante aux cheveux défrisés et à la brousse agressive poussait des cris hystériques, la fit se dissiper rapidement, encore que, comme on le verra, pour un bref instant seulement. En effet, après s’être souvenue que lorsqu’elle était partie de chez elle, ses enfants dormaient encore, et avoir donc décidé de leur téléphoner pour voir si tout allait bien, elle constata que son portable avait disparu, et l’albinos lui revint à l’esprit.
- Aiué ! Aiué ! Mon portable ! Qui m’a volé mon portable ? On m’a volé mon portable !… Hé, chauffeur, arrêtez ! Arrêtez cette putain de bagnole, merde !

João Melo, Serial Killer, Caminho, Outras margens, 2004

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Indiens de Meia Praia

Posté : 3 octobre, 2010 @ 7:59 dans - époque contemporaine, littérature et culture, musique et chansons, vidéos documentaires | 2 commentaires »

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José Afonso, Indios da Meia Praia

 

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Meia Praia, septembre 2010

Village de Meia Praia
ici près de Lagos
je te dédie cette chanson
du mieux que je sais faire

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Construction du village de Meia Praia, dans les années 70.

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Village de Meia Praia

le silence

Posté : 2 octobre, 2010 @ 7:17 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

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Le Jugement Dernier, peint entre 1474 et 1484

La mort… La mort est-elle inévitable ? demandé-je tout bas. Et comme la mort est inévitable, comme je suis obligé de me résigner, comme je ne peux la fuir, pour ne pas tout perdre, j’ai inventé l’autre vie. Et en fin de compte qui sait si ce rêve que l’Humanité porte en elle depuis qu’elle a posé le pied dans le monde n’est pas le plus grand de tous les rêves et le seul problème fondamental ?
La vérité, c’est qu’il est têtu. Il ne nous lâche pas et nous l’emportons caché dans la tombe. La vérité, c’est que cela a toujours été notre plus grande aspiration, et que, comme tous les rêves, il devrait finir par se convertir en réalité. Nous avons construit l’univers ainsi, nous pouvons le construire autrement. Il n’y a peut-être qu’un pas… Nous admettons la vie éternelle lorsque nous ne pouvons plus rester dans celle-ci ; mais, au fond, ce que nous voulons, c’est ce même soleil, cette pauvreté, cette douleur, ces illusions broyées et remâchées. Laissez-nous la vie, nous acceptons tout. Il y a ici, pourtant, une erreur primaire. Tu protestes du fond de ton être : la mort est absurde. Il faut couper un nœud qui n’existe pas. Le plus difficile, c’est de passer de l’empire du possible à l’empire de l’impossible. C’est peut-être une question de volonté. La vie est un acte de foi de tous les instants. Ecartons pour de bon cette sueur froide. Il importe peu que ce soit de l’uniformité de la vie ou de la peur de la mort que me vienne cette envie. Je sais que je m’éveille et je crie : – Je n’ai pas vécu ! Je n’ai pas vécu ! Et ma protestation s’élève de plus en plus haut. Je veux recommencer à vivre la même vie ennuyeuse et inutile, je veux recommencer le malheur.
Personne ne le peut avec un tel poids. Il n’y a personne qui le puisse. Dans la solitude, la première chose que je cherche est le petit rien pour oublier la mort. Une minute seul à seul avec l’effroi, parsemé de mondes, qui marche impétueusement dans le silence, dure un siècle et encore un de plus. Je ne peux pas, et toi pas plus que moi, vivre sur le fil d’une épée en regardant le gouffre de chaque côté ; je ne peux pas lutter tous les jours contre cette usure qui m’abîme sans plonger dans l’insignifiance. Et à présent même l’insignifiance m’est impossible. Le silence… Le pire de tout est le silence, et ce qui naît dans le silence, ce que je sens remuer dans le silence…

Raul Brandão, Húmus, première édition 1907

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