le navire négrier
Castro Alves
Chant IV
C’était un songe dantesque… le pont
Baigné de sang
rougissait l’éclat des fanaux…
Tintement des fers… claquement du fouet…
Des légions d’hommes noirs comme la nuit
En une horrible danse !
Des femmes noires, tenant à leur sein
De maigres enfants, à la bouche noire
Arrosée du sang de leur mères…
D’autres, jeunes, nues, épouvantées,
Dans ce tourbillon de spectres entraînées,
Angoisse et douleur vaines !
Et l’orchestre se rit, ironique, strident…
Et de la ronde fantastique, le serpent
Fait de folles spirales…
Si le vieillard halète, s’il glisse sur le sol,
On entend des cris . . . le fouet claque
Et la ronde s’affole…
Rivée aux maillons d’une seule chaîne,
La foule affamée titube
Et pleure, et danse !
L’un délire de rage, un autre perd le sens,
Un autre, que le martyre rend fou,
Chante, gémit et rit !
Le capitaine commande la manoeuvre
Puis, regardant le ciel qui se dédouble,
Si pur sur l’océan,
Au milieu de l’épaisse fumée, dit :
« Claquez du fouet, matelots !
Faites-les danser plus fort ! »
Et l’orchestre se rit, ironique, strident…
Et de la ronde fantastique le serpent
Fait de folles spirales…
Comme en un songe d’enfer les ombres volent !
Cris, soupirs, jurons, et prières résonnent !
Et le Diable est content !
Antônio Frederico de Castro Alves (Bahia) 1847-1871
(Abolition de l’esclavage au Brésil : 13 mai 1888)
7 commentaires »
Flux RSS des commentaires de cet article.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.
merci de nous le rappeller.
j’aurais une pensé pour tous ce des nôtres qui ont été arraché à leur terre.
merci LUSINA.
Merci à toi, Fulele. Vois-tu, ce qui extraordinaire, c’est que Castro Alves, poète romantique de l’époque de Victor Hugo, ait abordé ce sujet au Brésil.
hé oui des humanistes il en existe et il faut les faire connaitre merci à toi de me faire découvrire ce poète.
je t’ai inscrit parmis mes liens et compte découvrir d’avantage ton blog
Dernière publication sur maat ou vanite ? : UN MONDE SANS LES NOIRS
Merci.:-) Les poètes brésiliens ne sont pas très connus en France, celui-ci est parmi les plus grands.
Pleine mer… Ivres d’espace
La lune folâtre — blonde phalène
Et les vagues la poursuivent … se lassent
Comme une troupe d’enfants turbulents.
Pleine mer… Du firmament
Les astres jaillissent en écume d’or…
Sur la mer scintillent les feux phosphorescents
— Constellations du liquide trésor…
Pleine mer… Deux infinis
S’étreignent dans un fol embrassement
Bleus, dorés, placides, sublimes…
Lequel des deux est le ciel? Lequel l’océan ?…
Pleine mer… Ouvrant ses voiles
Le chaud tangage des brises marines
Un voilier, un brick, court à la surface des eaux
Comme les hirondelles effleurent la vague.
D’oú vient-il? Où va t’il? Des nefs errantes
Qui connaît la route dans un si grand espace?
Dans ce Sahara les coursiers soulèvent la poussière
Galopent, volent, mais ne laissent point de trace.
Heureux qui peut à cette heure
Sentir de ce tableau toute la majesté! …
En bas — la mer en haut — le firmament.
Et dans la mer et dans le ciel — I’immensité!
Castro Alves est un poète brésilien né en 1847,
Et qui chantera durant toute sa brève vie l
E lyrisme des oprimés, ce qui lui vaudra le titre de
« Poète des Esclaves ».
La tuberculose aurale dessus de sa courte vie qui se terminera en 1871.
Trop bien écrit,
bisous
Jade
Dernière publication sur jade : Lecture
C’était un copain de Victor Hugo, bien sûr !