Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

le familier

Classé dans : - époque contemporaine,littérature et culture — 8 novembre, 2010 @ 9:58
tendard.jpg

Etendard utilisé dans les processions de l’Inquisition portugaise, montrant ses symboles et sa devise « miséricorde et justice » (http://www.ciadaescola.com.br/)

»Mais d’autres jours sont passés et nous avons su alors que cet autre parent avait été envoyé à l’autodafé. Et comme il n’avait rien avoué, pas même sous la torture, ils l’avaient jugé négatif et obstiné. Enfin, il est sans doute mort dans sa foi judaïque, parce que, s’il avait été innocent, il se serait dit coupable et repenti, pour échapper au bûcher.
- Et votre voisin et sa femme ?
- Ceux-là ont avoués être juifs. Ils sont revenus après plusieurs mois de prison ; elle portait l’habit des hérétiques, le san-benito
. Mais pas lui, ce qui veut dire qu’elle avait mis plus de temps à avouer que ce qui convenait.
» Donc, en voyant cela nous le trouvons naturel, juste et même bon, car s’il y avait en eux des péchés qui méritaient d’être punis, alors pourquoi ne pas les punir ? Mais nous ne nous demandons jamais en quoi cela nous concerne. Nous ne nous demandons jamais :
« Est-ce que par hasard nous méritons aussi d’être punis ? Est-ce que nous n’avons jamais commis aucun péché digne d’un digne châtiment ? »
» C’est pourquoi, je vous le dis : arrivés à ce stade, il n’y a qu’une solution qui consiste à tout avouer avant d’être mis à la torture. Ainsi on évite le chevalet et on sort libre à moindre coût, sans effort et sans douleur.
- Et quand on n’est pas coupable ?
L’homme de tavira le regarda, étonné.
- Ces histoires de fautes et d’innocence n’existent pas ici, à l’inquisition. Puisque nous sommes tous pécheurs depuis la naissance, les fautes nous apparaîtrons si nous les cherchons au plus profond de nous-mêmes.
C’était de cela qu’ils parlaient. [...] Pour ses questions l’autre avait toujours des réponses sûres, des réponses qui lui semblaient des conseils avisés, même si certaines d’entre elles répugnaient à son âme…

(« … et si vous enrichissez votre confession avec des noms et des dénonciations, elle sera d’un tel poids qu’il est sûr que vous obtiendrez le pardon. Celui de dieu et celui du saint-office, c’est la même chose. »)
… même si elles paraissaient justes à son esprit.
Dans cette vie commune entre eux deux, il y avait beaucoup de questions posées; et quelquefois ils s’ouvraient leurs âmes, comme vous le remarquerez sûrement. Comme l’après-midi où le forgeron dit :
- J’ai peur, laboureur, que l’inquisition m’ait oublié. Depuis que vous êtes arrivé vingt jours sont déjà passés, et il s’en était écoulé autant avant que vous soyez là. Et tous les jours, il ne se passe rien. Ils m’ont oublié, voilà ce qui m’arrive.
Mais l’homme de tavira se montrait toujours sûr de lui.
- Ne vous inquiétez pas, car l’inquisition n’oublie jamais. Ils vous donnent du temps. Ne vous inquiétez pas de la mémoire du saint-office. Je sais que certains prisonniers sont surveillés par les inquisiteurs jusqu’à leur mort à chaque instant, par de petits trous qui sont percés en des endroits obscurs de la paroi.
Ce fut alors, dans ce moment d’importante conversation entre eux que le forgeron demanda :
- Laboureur, comment savez-vous tant de choses sur l’inquisition, que vous me disiez toujours ce que j’ai besoin d’entendre ?
L’homme de tavira hésita. Il dit enfin, tout bas :
- J’étais familier du saint-office…
Familier du saint-office… [...] Ces familiers étaient des hommes de main du saint-office. Tellement bons chrétiens que si le christ était revenu sur la terre à cette époque-là il aurait été dénoncé par eux comme hérétique, s’il avait dit la moitié de ce qu’il a dit. Des zélateurs de la foi purs d’esprit et de sang, comme il convient à qui revient la charge des âmes et la surveillance des actes et des paroles.
Le forgeron le regarda sans rien dire. Il pensa que c’était vraiment étrange d’avoir à ses côtés un familier du saint-office détenu pour avoir pris une femme par derrière.
- Voilà pourquoi j’en sais autant sur l’inquisition. Et si vous croyez que cette connaissance que j’en ai peut vous servir à quelque chose, croyez-moi aussi quand je vous dis qu’ici il vaut mieux suivre le cours des marées que de lutter contre elles. Avouez et dénoncez, c’est ce qu’il y a de mieux pour vous et de plus utile à votre vie, à vos biens et à votre âme.

Sérgio Luís de Carvalho, As horas de Monsaraz, Campo das Letras, 1997

Revenir à la page d’accueil
 


 

mesure trafic web

Pas de commentaire »

Pas encore de commentaire.

Flux RSS des commentaires de cet article.

Laisser un commentaire

 

rguiegu brahim - ÅíãÇÁÉ æÑÏ... |
dislui |
sarivoli |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Critica
| Pollution nocturne
| Hem Dolunay Hem Gökkuşağı