Enquête en Alentejo
Joaquim Peixoto n’avait pas encore appris à se repérer dans le code compliqué d’introduction aux lignes imprimées en majuscules toutes semblables. Il hésita. Alberto Contreiras lui arracha la bande de papier des mains.
- Ils nous l’ont envoyé à huit heures et demie. Caramba ! Ça a dû faire un barouf énorme là-bas. La gamine va devenir encore plus célèbre que Catarina Eufémia, bien que je doute qu’on lui élève une statue. Les temps changent, mais pas à ce point. En phrases courtes et désordonnées, le correspondant de l’agence de presse de Beja informait le pays des événements tragiques de la nuit, au milieu de la route qui vient de Ferreira. Le mécanicien Helmut Schneider, 25 ans, en service à la base aérienne de l’OTAN, avait été trouvé sans vie en travers du chemin, la tête enfoncée sous le tube d’échappement d’une automobile qui s’était très vite révélée être la sienne.
Tout indiquait qu’il s’agissait d’un homicide, dans la mesure où un épais blouson militaire entourait soigneusement la tête du jeune homme et l’extrémité du tuyau, les unissant dans le baiser fatal de l’oxyde de carbone. Et le moteur tournait toujours, indifférent au mortel effet de sa combustion. C’est ce qu’avait rapporté un homme de São Brissos qui se dirigeait vers la Cuba à six heures du matin, sa motocyclette emballée contre la lumière diffuse de l’aube, et qui avait bien failli déraper sur le corps.
- Ça doit être bien de mourir de cette façon. Tout doucement, sans douleur, juste une torpeur qui monte des poumons au cerveau et qui endort le corps peu à peu. Un corps jeune, en plus. Mourir quand la vieillesse n’a pas encore entamé son horrible travail. Mourir dans la plénitude de la jeunesse. C’est bien. Les photos du mort viennent d’arriver. Demande à Margarida qu’elle te les donne tout à l’heure. C’est possible qu’elles t’inspirent.
Joaquim Peixoto ne savait pas si c’était une insinuation d’un goût douteux, ou une plaisanterie entre collègues qui appelait une réponse rapide et facétieuse.
Clara Pinto Correia, Adeus, Princesa, Relógio d’Agua, 1985
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