esprits perdus
Le cours du Zambèze
Le Zambèze est un large ruban d’argent majestueux qui sépare la terre du ciel. Un grand serpent qui vient d’Angola et coule vers l’océan, vers la fin du monde. Par la bouche de ce serpent des générations et des générations d’ancêtres ont pris congé de cette vie et ont pénétré dans les brumes de l’au-delà enchaînés les uns aux autres, et c’est tant mieux, parce que de cette façon, tous serrés dans les cales obscures des bateaux, ils laissaient peu de place à leurs craintes et à leurs terreurs. C’était très mal fait, ce système d’emmener les gens vers la mort, vers l’espace blanc au-delà des brumes, alors qu’ils étaient encore vivants et dans la force de l’âge. Il aurait mieux valu qu’ils soient enterrés tout de suite ici, comme il convenait, suivant les coutumes que leurs dieux apprécient. Car, de cette manière, combien se sont retrouvés orphelins en partant parce qu’ils n’avaient pas d’esprits protecteurs disposés à les accompagner dans ce long voyage sans retour. Et les esprits qui avaient osé partir, parce qu’ils faisaient du lien qui les unissaient à ceux qu’ils protégeaient un principe primordial, s’étaient perdus de l’autre côté des brumes quand les hommes étaient devenus des défunts, voguant sans abri terrestre et sans connaître le chemin du retour. Il aurait mieux valu que les bateaux qui revenaient chercher d’autres gens profitent de l’espace disponible pour ramener dans leur pays les esprits perdus. Mais non, ces bateaux revenaient vides, et le résultat, c’était que les gens de la terre étaient restés sans lien avec le ciel et que ceux du ciel étaient restés à voguer par le vaste monde, sans lien avec la terre.
João Paulo Borges Coelho, As duas sombras do rio, Caminho, Outras margens, 2000.
4 commentaires »
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Bonjour Lusina,
J’ai cherché le poème de Supervielle, en vain. Mais je prends plaisir à lire cette littérature qui m’est tout à fait étrangère, dans les deux sens du terme. J’ai fait l’impasse total sur toutes les civilisations et langues méridionales.
Je vais te donner l’adresse du poème, tant mieux si tu as fait l’impasse, il te reste donc des choses à découvrir !
je ne connaissais pas ce livre mais l’auteur oui! faudra que je me procure ce livre car il semble bien agréable à lire!
bises
Ankana
Dernière publication sur toujours avec le sourire : Un peu de culture
Ankana, je ne crois pas qu’il soit traduit en français… Ce n’est pas Paulo Coelho, mais Joa Paulo Borges Coelho, qui est mozambicain.