(crédit : www.photo-afrique.net)
Par habitude, car il n’existait aucune autre raison, ils s’assirent en cercle ; chacun regardant et regardé. C’était une façon comme une autre pour que tout le monde voie que finalement personne d’autre ne faisait rien. Mais si le sable continue à venir avec le vent, comment allons-nous faire ? Arrêter le vent ?, finit par demander celui qui posait toujours deux questions pour n’avoir à répondre à aucune. Un autre profita de la place libre laissée par les mots : C’est le sable que nous devons arrêter. Le vent peut venir, tout seul. Ils ne faisaient plus le compte des nuits qu’ils passaient ainsi, près du feu, incapables de trouver une solution pour contenir les sables qui étaient en train d’enterrer lentement le village entier. Le vent tout seul, c’est même bon, il fait passer la chaleur, acquiesça un autre, sans donner son avis sur ce qui était important. Je sais ! s’écria enfin le plus vieux de tous en s’éveillant d’un long voyage à l’intérieur de sa tête. Il faut que nous obligions le vent à retourner en arrière, pour qu’il emporte tout le sable avec lui. La surprise se peignit sur tous les visages : comment se faisait-il qu’ils n’y avaient jamais pensé avant ? L’idée était si bonne qu’ils ne s’inquiétèrent même pas de savoir comment ils allaient la mettre en pratique. Cette nuit-là ils dormirent sans souci, en rêvant du village entièrement désensablé, assis sur son propre et véritable sol. Le jour suivant, tôt le matin, le dilemme revint. Enterrés. C’est à dire : le foyer et certains d’entre eux avaient été complètement recouverts de sable après s’être endormis. Il faut que nous formions deux groupes : un qui va voir où naît le vent, et l’autre où il finit. Ce n’est qu’ainsi que nous arriverons à comprendre son trajet, pour l’inverser. C’était la première fois qu’une voix de commandement s’élevait fermement au-dessus de tant de passivité. Les plus forts, presque tous des jeunes, partirent contre le vent, en se protégeant du mieux qu’ils pouvaient des bourrasques de sable qui continuaient de façon régulière et ininterrompue à se transporter toutes dans le village qu’ils venaient de quitter. Ceux qui étaient partis pour découvrir l’embouchure du vent arrivèrent bientôt à une impossibilité – le vent continuait dans une mer si écartée que, en elle, tout le désert se noierait sûrement. Il restait à savoir pourquoi le sable ne préférait pas arriver jusque là, au lieu de s’accumuler en totalité par-dessus le village. Ceux qui continuaient à lutter contre le vent arrivèrent, après de nombreux jours et nuits d’une marche pénible, en un lieu où le sable s’endormait tranquillement sur le sol, oublié. Ils virent clairement que tout le vent sortait d’un vieil homme qui, debout, paraissait les attendre.
José Mena Abrantes, Caminhos des-encantados, Caminho, 2000
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