Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

Archive pour novembre, 2010

Enquête en Alentejo

Posté : 19 novembre, 2010 @ 10:30 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

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Joaquim Peixoto n’avait pas encore appris à se repérer dans le code compliqué d’introduction aux lignes imprimées en majuscules toutes semblables. Il hésita. Alberto Contreiras lui arracha la bande de papier des mains.
- Ils nous l’ont envoyé à huit heures et demie. Caramba ! Ça a dû faire un barouf énorme là-bas. La gamine va devenir encore plus célèbre que Catarina Eufémia
, bien que je doute qu’on lui élève une statue. Les temps changent, mais pas à ce point. En phrases courtes et désordonnées, le correspondant de l’agence de presse de Beja informait le pays des événements tragiques de la nuit, au milieu de la route qui vient de Ferreira. Le mécanicien Helmut Schneider, 25 ans, en service à la base aérienne de l’OTAN, avait été trouvé sans vie en travers du chemin, la tête enfoncée sous le tube d’échappement d’une automobile qui s’était très vite révélée être la sienne.

 

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Petite fille aux yeux d’eau

Posté : 16 novembre, 2010 @ 8:21 dans - époque contemporaine, littérature et culture, musique et chansons | Pas de commentaires »

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Pedro Barroso, Menina dos Olhos de Água

Petite fille aux yeux d'eau dans - époque contemporaine 2225361

 

 

Le vent

Posté : 15 novembre, 2010 @ 10:30 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

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(crédit : www.photo-afrique.net)

Par habitude, car il n’existait aucune autre raison, ils s’assirent en cercle ; chacun regardant et regardé. C’était une façon comme une autre pour que tout le monde voie que finalement personne d’autre ne faisait rien. Mais si le sable continue à venir avec le vent, comment allons-nous faire ? Arrêter le vent ?, finit par demander celui qui posait toujours deux questions pour n’avoir à répondre à aucune. Un autre profita de la place libre laissée par les mots : C’est le sable que nous devons arrêter. Le vent peut venir, tout seul. Ils ne faisaient plus le compte des nuits qu’ils passaient ainsi, près du feu, incapables de trouver une solution pour contenir les sables qui étaient en train d’enterrer lentement le village entier. Le vent tout seul, c’est même bon, il fait passer la chaleur, acquiesça un autre, sans donner son avis sur ce qui était important. Je sais ! s’écria enfin le plus vieux de tous en s’éveillant d’un long voyage à l’intérieur de sa tête. Il faut que nous obligions le vent à retourner en arrière, pour qu’il emporte tout le sable avec lui. La surprise se peignit sur tous les visages : comment se faisait-il qu’ils n’y avaient jamais pensé avant ? L’idée était si bonne qu’ils ne s’inquiétèrent même pas de savoir comment ils allaient la mettre en pratique. Cette nuit-là ils dormirent sans souci, en rêvant du village entièrement désensablé, assis sur son propre et véritable sol. Le jour suivant, tôt le matin, le dilemme revint. Enterrés. C’est à dire : le foyer et certains d’entre eux avaient été complètement recouverts de sable après s’être endormis. Il faut que nous formions deux groupes : un qui va voir où naît le vent, et l’autre où il finit. Ce n’est qu’ainsi que nous arriverons à comprendre son trajet, pour l’inverser. C’était la première fois qu’une voix de commandement s’élevait fermement au-dessus de tant de passivité. Les plus forts, presque tous des jeunes, partirent contre le vent, en se protégeant du mieux qu’ils pouvaient des bourrasques de sable qui continuaient de façon régulière et ininterrompue à se transporter toutes dans le village qu’ils venaient de quitter. Ceux qui étaient partis pour découvrir l’embouchure du vent arrivèrent bientôt à une impossibilité – le vent continuait dans une mer si écartée que, en elle, tout le désert se noierait sûrement. Il restait à savoir pourquoi le sable ne préférait pas arriver jusque là, au lieu de s’accumuler en totalité par-dessus le village. Ceux qui continuaient à lutter contre le vent arrivèrent, après de nombreux jours et nuits d’une marche pénible, en un lieu où le sable s’endormait tranquillement sur le sol, oublié. Ils virent clairement que tout le vent sortait d’un vieil homme qui, debout, paraissait les attendre.

José Mena Abrantes, Caminhos des-encantados, Caminho, 2000

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Amnésie

Posté : 13 novembre, 2010 @ 8:50 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

himalaya.jpg

 

 

Il jeta vers le passé un regard à l’éclat métallique et soupira :
- Ma vie a été dure !
Et, en guise d’illustration, il frappa sur la table avec son verre vide.

- On m’a trouvé sur le versant de l’Himalaya. La décongélation a été lente. Les scientifiques ont calculé que j’avais 57 ans. Je ne me souvenais pas d’avoir été alpiniste, moine ni condamné, je ne me souvenais de rien, en somme. Sauf du froid à la pointe de mes cheveux. Je le sens encore.

- Mais, coupai-je, comment se fait-il que vous vous souveniez du froid et pas du reste ?
- C’est que pour moi, se souvenir c’est sentir, et si je ne sens pas c’est que je ne me souviens pas.
- Peut-être n’êtes vous pas assez chaudement vêtu ?
- On ne peut pas vêtir chaudement une mémoire froide.
- On ne peut pas la vêtir chaudement, je suis d’accord, mais on peut la réchauffer. Essayez de faire remuer cette mémoire ! Ne restez pas sans bouger.
- Ma mémoire tient en un seul point. Et lorsqu’elle remue elle n’en dévie pas. C’est le point du froid.
- Je comprends. C’est le point de congélation. Si c’est ça, comment êtes-vous capable de maintenir cet équilibre sans bouger ?
- Moi, je bouge. C’est le froid qui ne bouge pas.
- Avec qui suis-je en train de parler ?
- Avec le froid. A un point déterminé de son territoire. Enlevez-moi cet Himalaya de là.
- Je compatis, mais ce n’est pas facile. Attendez le dégel.

- Oh, ce n’est encore pas ça le pire. J’ai un cancer de la pointe des cheveux !

- Mais alors… pourquoi ne les coupez-vous pas ?
- Parce que si je le fais, il serait plus près de la tête.
- Il y a une certaine logique là-dedans!
- Oui, la logique est indemne.

Dimíter Ánguelov , Furacão no labirinto, Europa-America, 1996

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Démoniaque

Posté : 10 novembre, 2010 @ 8:16 dans musique et chansons | 3 commentaires »

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Maria Bethânia, Demóniaca, concert de Cena Muda, 1974

 

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le familier

Posté : 8 novembre, 2010 @ 9:58 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

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Etendard utilisé dans les processions de l’Inquisition portugaise, montrant ses symboles et sa devise « miséricorde et justice » (http://www.ciadaescola.com.br/)

»Mais d’autres jours sont passés et nous avons su alors que cet autre parent avait été envoyé à l’autodafé. Et comme il n’avait rien avoué, pas même sous la torture, ils l’avaient jugé négatif et obstiné. Enfin, il est sans doute mort dans sa foi judaïque, parce que, s’il avait été innocent, il se serait dit coupable et repenti, pour échapper au bûcher.
- Et votre voisin et sa femme ?
- Ceux-là ont avoués être juifs. Ils sont revenus après plusieurs mois de prison ; elle portait l’habit des hérétiques, le san-benito
. Mais pas lui, ce qui veut dire qu’elle avait mis plus de temps à avouer que ce qui convenait.
» Donc, en voyant cela nous le trouvons naturel, juste et même bon, car s’il y avait en eux des péchés qui méritaient d’être punis, alors pourquoi ne pas les punir ? Mais nous ne nous demandons jamais en quoi cela nous concerne. Nous ne nous demandons jamais :
« Est-ce que par hasard nous méritons aussi d’être punis ? Est-ce que nous n’avons jamais commis aucun péché digne d’un digne châtiment ? »
» C’est pourquoi, je vous le dis : arrivés à ce stade, il n’y a qu’une solution qui consiste à tout avouer avant d’être mis à la torture. Ainsi on évite le chevalet et on sort libre à moindre coût, sans effort et sans douleur.
- Et quand on n’est pas coupable ?
L’homme de tavira le regarda, étonné.
- Ces histoires de fautes et d’innocence n’existent pas ici, à l’inquisition. Puisque nous sommes tous pécheurs depuis la naissance, les fautes nous apparaîtrons si nous les cherchons au plus profond de nous-mêmes.
C’était de cela qu’ils parlaient. [...] Pour ses questions l’autre avait toujours des réponses sûres, des réponses qui lui semblaient des conseils avisés, même si certaines d’entre elles répugnaient à son âme…

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Quand un bateau passe

Posté : 7 novembre, 2010 @ 9:24 dans musique et chansons, Poesie | 2 commentaires »

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Delfins, Ao passar um navio

Toutes les voix de tous les mondes doivent chanter toujours ainsi

et très tôt passe l’heure, et le rêve qui tarde
et cette voix qui pleure, c’est parce ce qu’elle sait bien…
que quand un bateau passe, la mer reste la même
que quand passe une vie, le rêve reste le même.

tout le temps en tous les mondes je devrais t’aimer pour toujours ainsi

je vais passer un bateau, voir la mer toujours la même
je vais passer une vie, mon rêve est toujours le même.

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la mer fermée

Posté : 4 novembre, 2010 @ 7:10 dans - époque contemporaine, littérature et culture | 2 commentaires »

pontadelgada.jpg

Ponta Delgada, Açores, (Photo Pieter Hennipman)

 

Et il y avait la mer. Comme toujours. Pour toujours. Et les gens allaient et venaient, ballottant dans ce courant d’eaux rouges et brunes, cependant que le bleu restait toujours un peu plus loin. La profondeur. Ce qui est.
Et les modes étaient anciennes comme si tout le monde s’habillait de ce que la mer rejetait sur la côte. Même les jeans s’étaient déchiquetés contre les pierres noires de lave. Et tout ce qui se présentait de nouveau paraissait vieux. Démodé. Ancien, dans le sens le plus dépréciatif du mot. Comme s’ils avaient tenté de créer, sans conviction, du neuf avec du vieux. Et que le vieux s’était accroché à la plage, comme autrefois, en ce jour où il avait dit aux marins de ne pas partir, aux enfants de ne pas aimer, aux hommes de ne pas changer. Tout le monde serré dans ses pantalons. Comme si ceux-ci faisaient une taille de moins que la vie qu’on souhaitait pour eux. Des hommes et des femmes prisonniers de cet iceberg de pierre.
Et tout en attendant, ils fument. Comme les futurs pères, impatients, attendant que l’île donne le jour à sa réalisation. Mais l’île n’accouche jamais. Ou plutôt : elle accouche lentement, comme la lave sous-marine qui à peine née, rouge, aussitôt s’assombrit, froide. Les gens débarquent des villages, avec leurs bonnets sur la tête et leurs chaînes d’argent bien en vue, sans crainte des voleurs, pourquoi aurait-on l’idée de voler dans une île qui ne va nulle part ?
Ce qui vient d’ailleurs est dangereux, parce qu’il nous rappelle… Nous devons faire semblant de croire que notre monde est rond et de considérer la renaissance comme un progrès. Pour ne pas finir la tête rasée à regarder le plafond…
Et les vagues vont et viennent en direction de la profondeur. De ce qui est.
Et la beauté des visages perd sa raison d’être pour se convertir en immédiateté, avec une sensation de « déjà vu ». On vit et on meurt entre les quatre murs d’une île, en écoutant la rumeur gênante de la chaloupe. Le son troublant des choses qui peut-être s’en vont. Et flottant entre le ciel et la terre, à l’embouchure du port comme si c’était l’embouchure du monde, le géant plane. Les bras ouverts et la gueule fendue en deux, à nous dire de ne pas partir. Et nous y voyons une supplique presque impuissante qui nous fait reculer des bateaux vers les terrasses, et des terrasses vers les cavernes ; des creux profonds vers l’intérieur de notre impossibilité.
Et les eaux continuent de courir vers l’infini.

Possidónio Cachapa, O mar por cima, Oficina do Livro, 2000.

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