Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

Bon droit

Classé dans : - époque contemporaine,littérature et culture — 13 décembre, 2010 @ 8:01

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Il décida que ce terrain en friche était idéal pour ses honnêtes projets. Bon : en friche, pas vraiment, d’autant plus que le sol était parfaitement goudronné et qu’il avait dû traverser une clôture à moitié démolie pour y accéder, mais enfin…. Avec précaution, à pas irréguliers, il traça un carré hypothétique, en prenant le soin de signaler chacun de ses quatre coins avec des canettes de bière remplies de sable, qu’il avait apportées avec lui dans un sac en plastique en prévision. Il regarda le soleil déjà rouge qui descendait au loin sur la mer, et, par rapport à lui, il dessina avec des gestes apparemment rigoureux une ligne imaginaire à l’intérieur de l’espace défini. On commençait à voir clairement que le terrain n’était pas vraiment abandonné et que le seul qui était abandonné des dieux ici, c’était lui. Si c’était bien visible du côté de celui qui était désarmé, on imagine alors ce que ça pouvait être pour ceux qui étaient armés. Ils étaient sept et arrivaient tous règlementairement uniformisés avec un camouflage pour le désert et des armes légères à la main, baïonnette au canon. Quatre d’entre eux, les plus éloignés, se tenaient courbés en position d’attaque, pendant que les trois plus proches avançaient en rampant rapidement vers l’intrus, en une posture qui leur permettait de tirer à chaque instant. Le cercle se ferma en cinq clins d’œil, et l’homme parut sincèrement surpris de cette réception : Vous désirez quelque chose, camarades ? La réponse fut un embrouillamini de gestes et d’ordres contradictoires qui le firent se mettre au garde à vous immédiatement sans qu’il comprît bien pourquoi. Avec la pointe des baïonnettes, les trois premiers soldats le firent tourner sur son axe central, en le piquant légèrement aux poches, aux aisselles et au bas des jambes, à la recherche d’éventuels objets d’attaque. Ils semblèrent être rassurés, mais ne perdirent pas leur vivacité combative ni ne relâchèrent leurs expressions patibulaires : Qu’est-ce que tu fais ici ? Tu sais pas que c’est une zone militaire ? L’homme regarda autour de lui, cette immense extension vide de terrain battu par de fortes rafales de vent, et prouva son innocence : Quand je suis arrivé, ça n’en était pas une ! Devant l’insistance des questions et surtout des menaces, renforcées par la présence des quatre soldats plus éloignés, il expliqua de mauvais gré : Je prends des mesures pour construire ma maison. Pourquoi ? C ‘est interdit ? Et il ajouta, pour faire disparaître tout doute plus obstiné : Ce sont mes droits de citoyen de la démocratie !

José Mena Abrantes (Angola) Caminhos des-encantados, Caminho, 2000

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