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la pomme

Classé dans : - époque contemporaine,littérature et culture — 2 février, 2011 @ 7:20

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pommes de Monchique

Pommes de Monchique

Nous sommes en pleine ère électronique, l’ère de l’informatique, de l’ordinateur. Mais aussi des armes chimiques, de la pollution, du trou dans la couche d’ozone. Au long de l’histoire, le monde n’a jamais connu d’époque où les capacités humaines n’aient à tel point explosé. La technique menace de détruire l’homme lui-même ou de créer, en laboratoire, un quelconque robot qui le remplacera. Dans tout ce panorama d’agitation et d’inquiétude, il n’y a qu’une chose qui nous tranquillise. C’est, vrai, à mon avis : il n’y a plus que la pomme.
Tout a évolué, tout est plein de produits nocifs pour satisfaire notre société de consommation
Seule la pomme reste égale à elle-même et au premier jour. Depuis qu’Eve l’a cueillie au Paradis et qu’Adam l’a gardée en travers de la gorge. Grosse ou petite, elle est toujours la même, elle est toujours, et de plus en plus, une tentation pour l’homme. Tentation du pouvoir, lorsqu’on y mord à belles dents. Tentation de l’argent, lorsqu’on la ronge jusqu’au trognon, sans rien laisser à personne. Et beaucoup d’autres, dont on ne parlera pas ici, mais dont tout le monde veut croquer.
J’ai pris conscience des nombreuses vertus de la pomme séductrice lorsque j’ai entendu pour la première fois dire que les petits vieux aux yeux brillants et aux joues bien rouges, à la peau colorée par l’air de la montagne, par les monceaux de pommes qu’ils coupaient au canif et mordillaient entre les dents qu’il leur restait, ou par un petit coup d’eau de vie d’arbouse, ressemblaient à de petites pommes de Monchique.

Plus tard, au temps des aventures médiévales, on m’a parlé de Guillaume Tell. Le terrible défi qu’on lui avait lancé en échange de sa liberté était de planter une flèche dans une pomme posée sur la tête de son plus jeune fils. Une petite pomme, toute nue et rouge de honte, qui essayant de se cacher dans les boucles blondes de l’enfant. Guillaume accepta, toucha la pomme qui devint célèbre, en tant que protagoniste d’une légende de courage et de résistance à l’oppression.
Puis, dans la bonne littérature anglaise, je me suis aperçu que, pour adoucir la grande liste des malheurs de la fin du XIXème siècle, il y avait toujours une tarte aux pommes qui parfumait la tragédie. C’est de ces lectures que m’est venu un désir immense de goûter à la fameuse tarte, dont je ne connaissais l’arôme que par les livres. Plus tard, quelque part, on a posé devant moi quelque part une assiette contenant un morceau de ce dessert délicieux. Bien sûr, ce fut plus qu’une tentation et j’en repris une part.
Dame de tant de charme, ton pouvoir est tel que les Anglais disent : « Une pomme par jour éloigne le médecin ». C’est comme donner un coup de pied à une mouche. Encore une expérience tentante, au prix où sont les médicaments…
Il y a quelques jours, j’ai mangé à Carnaxide, chez mes beaux-frères. Eux non plus ne résistent pas à la tentation de bien recevoir, à la tentation de l’amitié, d’une touche discrète de raffinement dans leur accueil. Après le dîner, on m’a servi une pomme au four. Fumante. Epépinée, arrosée de porto, bronzée de cannelle. Une véritable tentation.
Nous avons poursuivi la conversation. Puis on s’est aperçu que la pomme que je mangeais était dure. Ma belle-sœur s’est empressée de la remplacer, en s’excusant : « J’ai fait bien attention de te donner la plus belle, et finalement c’était la moins cuite. »
Et nous avons conclu qu’encore une fois, le plus beau n’était pas forcément le meilleur, comme cela arrive avec beaucoup de choses et beaucoup de gens.
Sur la table, mise de côté, la pomme est restée. Il n’y a plus que la pomme.

António de Silva Carriço, O Sabor da Vida, décembre 1991

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2 commentaires »

  1. binicaise dit :

    J’ai beaucoup aimé ce texte , la pomme le fruit défendu par excellence……Mais quel délice on comprend mieux le pauvea Adam…
    Bonne soirée bises Jacqueline

    Dernière publication sur Binicaise : Blog en pause pour une durée indéterminée.

  2. lusina dit :

    Bonne soirée, Jacqueline, et merci de ta visite !

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