Joyeux anniversaire
*
Jusqu’à ce que je suffoque, il a fallu aussi sept années. La huitième, je me suis reposée. L’anniversaire de mes huit ans a été une tragédie. Bien qu’ils aient tous été animés de la meilleure volonté, je ne me suis même pas amusée une minute. C’est tombé un dimanche de Pâques. Mon anniversaire m’a fait gaspiller un jour férié que j’aurais pu passer avec mon père. Avec moi il n’y avait que douze enfants, et je ne me rappelle le nom d’aucun. Je me rappelle juste le nombre, douze. Parce que j’ai compté les morceaux du gâteau, pendant que je comptais, je n’ai pas entendu joyeux anniversaire. Je me concentrais sur le comptage, pour tenter d’oublier le reste. De ma mère, je ne me souviens pas. Je me souviens seulement de mon père, vaguement. Derrière la flamme de la bougie, il chantait avec enthousiasme. A mesure que le couteau montait et descendait dans le gâteau, mon cerveau se brouillait.
De la flamme, de mon père, il ne restait presque rien. Je coupais le gâteau et j’oubliais de respirer. J’essayais de me concentrer. Juste pour couper le gâteau, je faisais un grand effort. En essayant d’oublier tout le reste, en douze leçons. C’est l’heure, c’est l’heure, c’est l’heure. D’avoir tant de gens autour de moi, je ne me sentais presque plus moi-même. Et pique, et pique, et pique. Jusqu’à ce que j’en perde le souffle. Ra-tim-boum.
Ma vue s’est obscurcie, la chanson s’est finie, tais-toi tu n’es plus là. Celle qui faisait mouvoir mon corps n’était déjà plus moi. J’ai plongé. Je ne sais même plus, je ne peux pas raconter le reste. J’avais huit ans. J’ai suffoqué.
*****
Quand je me suis regardée dans le miroir, j’avais vieilli de trente-cinq ans. Au coin de l’œil, derrière un sourire, devant le miroir, une tristesse qui tentait de se dissimuler. Entre les dents, les marques de mes morsures. Dans mes cheveux, la vie qui s’évanouissait. J’ai coiffé un cheveu après l’autre. J’ai brossé une dent après l’autre. J’ai maquillé un œil après l’autre et je me suis regardée de nouveau, dans le miroir.
Il y avait toujours, derrière moi, sur le carrelage, tout ce que je n’avais pas pu cacher. De la moisissure dans les joints, des cheveux sur le lavabo, du sang dans la cuvette, qui me souriaient. J’ai continué à essuyer, en pensant à rien. Et plus j’essuyais, plus le sang se répandait. Et des gouttes j’ai fait un puits. Et des puits j’ai fait un lac. Du lac j’ai fait une mer, pour me noyer.
Santiago Nazarian, A morte sem nome, Planeta do Brasil, 2004
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.