La nuit
Je vois clairement la nuit : c’est une brebis noire qui avance en dévastant le paysage. Tout à l’heure, elle était blonde, oxygénée. Elle avançait méthodiquement. De temps en temps elle envoyait un baiser à une petite herbe lointaine. Non, elle mordillait la distance avec une avidité régulière, modérée. En ce moment elle hume délicatement. Qui sait, peut-être est-ce une façon de dire bonjour. Non. C’est une légère brise. Une brise qui naît de la pointe de son oreille gauche, l’oreille de l’Ouest, chaque fois qu’un insecte tente de se poser sur le fil fragile du temps. Une brise qui vrombit comme un insecte. Mais tout continue. Il n’y a plus de différence entre la nuit et la distance, entre la distance et la brebis noire.
Je ne vois pas ce que j’écris. L’obscurité s’est emparée de tout. Cela ne sert plus à rien d’écrire quoi que ce soit. Mais je sais que l’obscurité et la nuit sont deux choses très distinctes.
Non. Ce n’est pas la nuit. C’est une dame âgée, vêtue de noir, qui se protège la tête du soleil avec son sac noir. Et qui attire la chaleur.
C’est le début de la mort. De la nuit.
Il n’y a plus qu’à cylindrer l’obscurité. Et que reste-t-il ? L’ombre d’une vieille qui se protège du soleil avec son sac. Une ombre qui s’en est allée et a emporté le jour. Sans que personne ne s’en aperçoive. Sans qu’elle-même ne s’en aperçoive.
Dimíter Ánguelov,Nevoa com flor azul no meio, Colibri, 1999.
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« Il n’y a plus qu’à cylindrer l’obscurité. Et que reste-t-il ? L’ombre d’une vieille qui se protège du soleil avec son sac. »
Cette phrase dégage une image très forte, elle rend la mort « humaine ».
Merci Cécile pour se partage, bises.
Dernière publication sur MICHELE HARDENNE : Livres publiés chez Editions L'Espérance
oups, il fallait lire « ce partage »
bisousssssssssssssss
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Oui, en effet, ce texte est plein de poésie…