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Le Zambèze est cette grande route qui coule vers la mer. Et il coule avec une telle force, dans sa course, qu’il a emporté tous ces gens comme une gigantesque carotide qui aurait expulsé tout le sang du pays, en jets bouillonnants et successifs. Ainsi, il a répandu de par le monde les histoires de la noblesse de ce pays, il l’a fait connaître aux quatre coins du monde à travers l’imagination fantastique de ceux qui le
Ainsi, les hommes blancs étaient venus en nombre croissant à travers l’océan, remontant le flux descendant et dominateur, et avaient grimpé jusqu’ici pour atteindre ce qu’ils avaient appelé par erreur le bout du monde, alors que ce n’en était, somme toute, que le commencement : le point à partir duquel les messagers forcés avaient été envoyés aux quatre coins de la terre pour couper la canne (pas moyen de le nier) mais, surtout, pour chanter leur pays comme l’origine de toutes choses, et le chanter plus merveilleux qu’il n’était en réalité, parce qu’il est bien connu que l’absence et la distance rehaussent, ou inventent, les qualités et atténuent, ou effacent, les défauts.
En remontant le fleuve les hommes blancs avaient continué, comme on l’a vu, à envoyer les chargements humains vers l’embouchure, et de là vers l’autre côté de la mer. Ils les récoltaient exactement comme Suzé Mantia, un siècle plus tard, en viendrait à récolter des éléphants et des rhinocéros, affrontant avec prudence leur colère, les surprenant par l’étendue de leur supériorité, toujours vainqueurs. Et les plaines étaient si remplies de gens, qui normalement se rassemblent près des fleuves pour boire de leur eau, qu’ils les cueillaient à pleines poignées, des deux côtés, sur les deux berges si proches et si lointaines, si unies et si différentes.
João Paulo Borges Coelho, As duas sombras do rio, Caminho, 2003