- Picandon, écoute, moi je suis très surpris,
par Messire Sordel (1), je connais ses chansons,
elles sont nombreuses et belles, et la musique aussi;
comment peut-il se tromper à ton sujet, ainsi,
sur toi, qui n’es rien d’autre qu’un jongleur;
pourquoi est-il à la cour ton protecteur :
toi, ou bien lui, expliquez-moi cela.
- João Soares, voilà d’abord l’explication,
et au plus vite, la voici la raison :
je peux remporter tous ces prix
et être apprécié à la cour
comme un jongleur talentueux qui peut dire :
« Voyez, je ne me trompe jamais
dans mes chants, mes sirventês, mes strophes. »
- Picandon, on ne peut dire qu’il soit courtois
que tu te vantes toi-même beaucoup,
que tu fréquentes les tavernes,
que tu boives, que tu cherches querelle,
ou alors, si c’est la raison de ton succès,
jamais Notre Seigneur n’a fait homme aussi courtois
que toi, si tu y réfléchis.
- João Soares, même si vous m’insultez,
je vais rester le bon jongleur que je suis,
quant à vous, Messire, vous feriez mieux
d’apprécier tous les jongleurs ;
je sais beaucoup de chansons, je chante bien,
je ne me trompe jamais, et je chanterai toujours
quand vous m’en ferez la demande.
- Messire Picandon, je me rends,
je te demande pardon pour mes paroles
et, de ce pardon, je te remercie.
- João Soares, je vous pardonne volontiers
si vous pensez à mon cadeau, et ne m’oubliez pas,
pour les profits, en quelque lieu où vous alliez.
João Soares Coelho et Picandon, XIIIème siècle (CV 1021)
(1) Le plus grand troubadour italien en langue provençale, Autour de lui est né un mythe que l’on retrouvera jusque dans la poésie occidentale du XIXe et du XXe siècle.
Sordel
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