Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

Archive pour la catégorie '- moyen âge/ XVIème siècle'

Coup de foudre

Posté : 30 mars, 2009 @ 7:14 dans - moyen âge/ XVIème siècle, littérature et culture | Pas de commentaires »

dames.jpg

Avalor était connu du père d’Arima, du temps où il allait par le monde en quête d’aventures, et ils étaient même grands amis. Lorsqu’il arriva, l’époux d’Aonia s’approcha d’Arima, et lui dit :
- Voici, Madame, Avalor, dont vous avez déjà entendu parler par Monsieur votre père, car ils s’apprécient beaucoup. Il m’est impossible de vous en dire plus sur lui, il est parfait en tout. Faites-moi la faveur de le traiter toujours avec considération.
A ces mots, Arima, qui était à ce moment-là aussi belle qu’à l’accoutumée et ne s’en apercevait pas, leva les yeux vers Avalor en répondant un « oui » timide, comme de bon gré, pour signifier que son désir correspondait à la prière qui lui était faite, car elle avait souvent entendu dire du bien de lui. Puis, après un instant, elle les baissa de cette manière si douce qui ne lui avait été donnée qu’à elle seule par faveur spéciale, car on raconte que jusque dans sa façon d’être, de marcher, et enfin dans tous ses autres gestes, la douceur avait été si suavement mise qu’il semblait bien qu’elle fût l’unique femme en ce lieu ; de sorte que ceci, et la manière dont toute cette scène s’était déroulée, se grava aussitôt au centre de l’âme d’Avalor. Il semble que cela devait être, et cela fut.
Durant tout le temps qui restait de la soirée, Avalor alla se placer à des endroits d’où il espérait voir Arima, mais il n’y parvint jamais, et il s’en alla donc vers son lieu de repos où, une fois couché, très préoccupé, il ne put dormir. Et comme il n’avait pas encore décidé en lui-même de requérir Arima d’amour, (il le voulait déjà sans l’avoir décidé), mécontent de lui-même, il faisait tout pour s’endormir, ne croyant pas qu’avoir vu Arima une seule fois pouvait occuper son temps et son esprit au point de lui interdire le sommeil. Mais en cela il se trompait. Un seul regard aussitôt baissé avait eu tant de pouvoir sur lui !

Bernardim Ribeiro, Menina e Moça, première édition 1554. (adapté)

Revenir à la page d’accueil
 

 


 

La légende de la Dame pied-de-chèvre

Posté : 27 mars, 2009 @ 8:31 dans - moyen âge/ XVIème siècle, littérature et culture | 2 commentaires »

ana.jpg

Aquarelle de Ana Diogo (détail)

Dom Diego Lopes était très bon cavalier et, un jour qu’il était sur sa monture et guettait le sanglier, il entendit chanter d’une voix très aiguë une femme en haut d’un rocher.

Et il y alla, elle était très belle et très bien vêtue et il tomba très violemment amoureux d’elle et lui demanda qui elle était. Elle lui dit qu’elle était une dame de très haut lignage. Il lui dit que, puisqu’elle était une dame de très haut lignage, il l’épouserait, si elle voulait, car il était le maître de toute cette terre. Et elle lui dit qu’elle le ferait, s’il ne se signait jamais ; il le lui accorda et elle partit aussitôt avec lui.
Et cette dame était très belle et très bien faite de corps, mis à part qu’elle avait un pied fourchu, comme un pied de chèvre.
Et ils vécurent longtemps ensemble et eurent deux enfants ; un avait nom Enheguez Guerra, et l’autre était une fille et eu nom Dame …
Et quand ils mangeaient ensemble, Dom Diego Lopes et son épouse, il asseyait à côté de lui son fils et elle asseyait à côté d’elle sa fille, d’autre part. Et un jour il alla sur ses terres et tua un sanglier très grand et le rapporta à la maison et le posa devant lui là où il mangeait avec son épouse et ses enfants. Et ils jetèrent un os de la table et un mâtin et un petit chien se mirent à se battre, et le petit sauta sur le gros et lui enfonça les crocs dans la gorge et le tua.
Et Dom Diego Lopes, en voyant cela, le considéra comme un miracle et se signa en disant :
- Par Sainte Marie ! Qui a déjà vu une chose pareille ?
Et son épouse, quand elle le vit se signer, saisit sa fille et son fils, et Dom Diego Lopes arrêta son fils et ne voulut pas le laisser partir ; et elle s’enfuit avec sa fille par une brèche du mur du palais et s’en alla dans les montagnes, de sorte qu’on ne les revit plus jamais, ni elle ni sa fille.

Quarto livro de Linhagens, publié par Alexandre Herculano dans Portugaliae Monumenta Historica, 1856

Revenir à la page d’accueil
stats site

Journée de la femme (désamour)

Posté : 8 mars, 2009 @ 7:01 dans - moyen âge/ XVIème siècle, littérature et culture | 2 commentaires »

corotmlancolie.jpg

Jean-Baptiste Camille Corot, La Mélancolie, vers 1860

(Copenhague, Ny Carlsberg Glyptotek)

S’il arrivait que ce livre tombe sous les yeux de gens heureux, qu’ils ne le lisent pas. Car, peut-être, s’il leur apparaît que leurs destins seront inconstants comme ceux racontés ici, leur plaisir en sera diminué. Ceci, où que je sois, me navrerait, parce qu’il suffisait grandement que je sois née pour mon malheur, sans faire encore celui des autres. Les gens tristes pourront le lire, mais il n’y en a plus, depuis que la pitié existe dans le cœur des femmes. Dans le cœur des femmes, oui, parce qu’il y a toujours eu dans celui des hommes du désamour. Mais je n’écris pas pour elles, car si grand est leur malheur qu’il ne peut être consolé par aucun autre, qui ne peut que les rendre plus tristes encore ; ce serait injuste que je veuille le leur faire lire, je leur demande plutôt instamment de fuir ce livre et toutes les causes de tristesse, mais malgré tout, rares seront les jours où elles seront heureuses, car ainsi en a décidé la malchance avec laquelle elles naissent.

Bernardim Ribeiro, Menina e Moça, Première édition Ferrare 1554

Revenir à la page d’accueil
mesure trafic web

Confidence

Posté : 22 février, 2009 @ 7:45 dans - moyen âge/ XVIème siècle, littérature et culture, Poesie | Pas de commentaires »

Confidence dans - moyen âge/ XVIème siècle trob_s10

 

Vous avez vu, mesdames, quand l’autre jour
mon ami parlait avec moi,
il se plaignait, et pour le contenter,
je lui ai donné la ceinture que je portais,
mais il m’a demandé encore une folie.

 Et vous avez vu (on n’a jamais vu ça !)
qu’en se plaignant, mesdames, à sa guise,
il m’a fait ôter le cordon de ma chemise,
je le lui ai donné, ce fut une bêtise,
s’il avait pu ne plus rien demander !

Don Joan de Guilhade aura toujours
de moi, mes amies, ce qu’il voudra,
je lui ai déjà fait de nombreux dons,
je ne lui refuserai pas ma loyauté,
mais il me demande d’autres privautés.

C.V.348

C.B.N. 710

 Joan Garcia de Guilhade (Barcelos)

 

 

 

Au bord d’un fleuve…

Posté : 6 février, 2009 @ 7:30 dans - moyen âge/ XVIème siècle, littérature et culture, Poesie | 6 commentaires »

troubadour2.jpg

Le Troubadour (Statue imaginaire de Bernardim Ribeiro)

Un manteau sombre couvrait
ses blonds cheveux ondulés :
elle paraissait si triste
que mourir l’aurait comblée.
Elle détourna les yeux
se dérobant à ma vue,
puis me regarda en face.
Elle griffait ses seins blancs,
en se plaignant à voix haute,
du fond de sa solitude :
«Puisque la vie est cruelle
ah, pourquoi ne suis-je morte ? »
Elle ne dit rien de plus.
Et moi, tout en gémissant,
j’allai vers elle en pleurant,
espérant la consoler

Le soleil chut dans la mer
et la nuit se fit profonde ;
je maudis mon infortune
et ma vie de n’être mort ;
dans le lointain j’entendis
du sommet d’une colline
clamer : « Bernardim Ribeiro ! »
et dire : « Vois où tu es ! »
je regardai çà et là :
je ne vis qu’obscurité,
je fermais alors les yeux,
et ne les rouvris jamais :
car après l’avoir perdue,

jamais ne fus si content.
Et pourtant, hélas, pourtant !

Extrait de la « Romance » de Bernardim Ribeiro (XVIème siècle) in M. E. Tarracha Ferreira, Romanceiro de Almeida Garrett, Ulisseia.

Revenir à la page d’accueil
compteur stats

contre les tricheurs

Posté : 30 janvier, 2009 @ 9:10 dans - moyen âge/ XVIème siècle, littérature et culture, Poesie | 7 commentaires »

trobetdanseuse.jpg

Qui n’aime pas et ne sait rien d’amour
fait échouer l’amour de ceux qui aiment
voici pourquoi : quand avec une dame
on jure qu’on meurt d’amour pour elle
elle sait bien que ce n’est pas vrai.
Ainsi, à mon sens, est perdu qui aime
vraiment, comme moi.

Car si elle pouvait reconnaître qui l’aime
sincèrement de tout son coeur
elle souffrirait de sa peine, sa dame,
mais à cause de tous les menteurs
elle va penser que tous sont pareils
Ainsi, à mon sens, est perdu qui aime
vraiment, comme moi.

Quand ceux qui n’ont déjà plus peur
que l’amour les fasse souffrir
devant les dames viennent jurer mieux
ou aussi bien que ceux qui aiment
elles ne savent plus qui croire
Ainsi, à mon sens, est perdu qui aime
vraiment, comme moi.

(CV 699/CBN 1043)

João Baveca (Galice, cour d’Afonso X)

Revenir à la page d’accueil

chanson d’ami

Posté : 23 janvier, 2009 @ 7:01 dans - moyen âge/ XVIème siècle, littérature et culture, Poesie | 8 commentaires »

marvigo.jpg

La mer, à Vigo

Celles qui savent aimer leur ami,
courez avec moi à la mer, à Vigo,
et nous nous baignerons dans les flots.

Celles qui savent aimer d’amour,
courez avec moi vers la mer agitée,
et nous nous baignerons dans les flots.

Courez avec moi vers la mer, à Vigo,
Et nous le verrons, mon aimé,
Et nous nous baignerons dans les flots.

Courez avec moi vers la mer agitée,
et nous le verrons, mon aimé,
et nous nous baignerons dans les flots.

Martim Codax (Galice) XIIIème siècle, CBN 1282/CV 888

troubadour.jpg

LUZ DO MAR

On voit l’ami à Vigo
Comme on le voit courir
Vif argent sur les flots
Porté par le vent du désir

On voit l’ami à Vigo
Quand on sort du dormir
Quand la lune est au plus haut
Et que passe le parfum de l’inspir

L’ami toujours attend à Vigo
Plage déserte au blanc menhir
Dont le soleil a fait cadeau
Comme d’un instant de sourire

gmc

Revenir à la page d’accueil

 

compteur MySpace

Chanson d’aube

Posté : 14 décembre, 2008 @ 8:10 dans - moyen âge/ XVIème siècle, littérature et culture, Poesie | Pas de commentaires »

troubadgravure.jpg

Lève-toi, ami, qui dors dans le matin froid !
Tous les oiseaux du monde, d’amour, disaient :
je suis heureuse.

Lève-toi, ami, qui dors dans le matin clair !
Tous les oiseaux du monde, d’amour, disaient :
je suis heureuse.

 Tous les oiseaux du monde, d’amour, disaient :
de mon amour et du tien ils parlaient ;
je suis heureuse.

 Tous les oiseaux du monde, d’amour, chantaient.
de mon amour et du tien ils se souvenaient :
je suis heureuse.

 De mon amour et du tien ils se souvenaient ;
tu as cassé les branches où ils se perchaient.
je suis heureuse.

 Tu as cassé les branches où ils se perchaient,
et séché les fontaines où ils buvaient :
je suis heureuse.

 Tu as cassé les branches où ils se perchaient,
et séché les sources où ils se baignaient :
je suis heureuse.

 C.V. 243
CBN 604

Nuno Fernandes Torneol

 

(Dans la « chanson d’aube », il est impératif de ne pas se laisser surprendre...)

Revenir à la page d’accueil

1...345678