Bonheur tranquille
Deux mois plus tard ils étaient mariés. Marisa avait apporté deux petites valises de la chambre de pension où elle vivait, et s’installa dans la maison comme si elle y avait toujours vécu. Paul sentit que la maison l’acceptait, qu’il y avait une intimité entre la jeune femme et les objets, les meubles, les rideaux neufs qu’elle avait faits elle-même, les pierres qu’elle avait disposées sur les étagères ou sur les tables, les vases qu’elle avait achetés et qui étaient toujours pleins de fleurs, les reproductions de Chagall et Redon qu’il avait sur ses murs. Même avec la nourriture elle avait une relation particulière, elle aimait cuisiner et Paul restait à la regarder couper les légumes, choisir les aromates, pétrir la pâte du pain ou des gâteaux, avec une sensation de bonheur absolu. Il l’aida à planter des herbes aromatiques dans une petite plate-bande, mais le reste du jardin devint son domaine à elle et en peu de temps, presque par magie, les fleurs poussèrent de tous côtés, l’arbre semblait s’être éveillé d’un long sommeil et ses feuilles prirent un vert profond, tendre, qu’elles n’avaient jamais eu ; les oiseaux chantaient tout le temps, bien qu’ils se maintiennent loin du sol parce que tous les chats du voisinage faisaient leur apparition dans le jardin. Marisa aimait les chats et ils le sentaient, quelquefois ils entraient dans la cuisine, ou se couchaient sur le rebord de la fenêtre, il ne fallut pas longtemps pour qu’une chatte fasse ses petits dans une fente du mur et que les chatons se mettent à jouer entre les plates-bandes.
Ana Teresa Pereira, (Madère) « Des fleurs pour une sorcière », in Se eu morrer antes de acordar, Relógio d’Água, 2000