Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

Archive pour la catégorie 'littérature et culture'

mystère

Posté : 4 décembre, 2006 @ 6:22 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

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- Si, tu vas voir, nous allons réussir à la restaurer. Tu sais ce qui est bizarre, pourtant, dans cette assiette ?
La question n’étant pas posée comme s’il s’agissait d’un examen, l’apprenti regarde l’assiette avec une aisance plus évidente. Et, après avoir observé, il découvre alors ce qui intrigue l’antiquaire, et qui l’intrigue lui aussi à présent. Alors il demande :
- Pourquoi est-ce que, contrairement à la norme générale, cette assiette a un visage peint au milieu ?

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Châtiment

Posté : 30 novembre, 2006 @ 6:10 dans - XVIIème/XVIIIème siècles, littérature et culture | 3 commentaires »

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Antonio José da Silva, O Judeu

(1707-1736)

C’est alors qu’une des sorcières se leva et dit au Petit Diable :
- Je viens, moi, luciférien commissaire, de sucer le sang d’un enfant qui était baptisé depuis deux jours à peine et sans vie je l’ai laissé…
Ce à quoi le petit Diable, poussant un cri formidable et terrifiant, répondit en ces termes :
- O monstre indigne de ma faveur et du titre de sorcière, tu mériterais, pour avoir fait telle chose, que sans tarder je t’ensevelisse corps et âme au tréfonds de l’enfer et que tu n’y voies plus jamais la lumière du jour ! Ne valait-il pas mieux qu’avant qu’on eût baptisé cet enfant, tu lui ôtasses la vie, et qu’ainsi, bien qu’il fût sans péché, il ne pût jouir de la gloire éternelle que notre orgueil a perdue, et dont le regret nous torture et nous fait rechercher la perdition de toutes les créatures, pour qu’elles n’occupent les places que nous avons laissées ? Tu tues les innocents en grâce, ô Hérode en jupons, pour qu’ils aillent goûter à l’éternel bonheur ! N’était-il pas préférable que cet innocent vécût jusques à l’âge de pécher et que nous eussions part sur lui, au lieu de l’écarter de ce péril en lui ôtant la vie ?

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Justine

Posté : 30 novembre, 2006 @ 6:03 dans - époque contemporaine, littérature et culture | 1 commentaire »

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Le matin je suis Justine. C’est elle qui se lève la première. Elle ouvre les yeux rapidement et je surgis éveillée rapidement aussi. A peine voit-elle un rayon de soleil, il n’y a plus de lit qui la maintienne dans le sommeil.
Elle se lève et a envie d’ouvrir les persiennes pour apporter tout le jour dans la chambre. Elle ne l’a jamais fait par respect pour mon fils. Mais c’est une pulsion violente, ça je le sens. Elle se lève, s’habille des vêtements auxquels la journée l’invite, les sortant négligemment de l’armoire. Elle regarde mon fils António, et je vois les yeux bleus de la femme où, comme plongé dans de l’eau limpide, je suis resté pendant son sommeil. Je le vois dormir, rêver, exister dans la prison de la nuit.
Justine sort de la chambre, entre dans la salle de bains. Elle la regard comme un souci, un exemple du jour qui viendra. Même si elle a nettoyé ces jours-ci les carreaux et le marbre, elle y voit une crasse qui finit toujours par être oubliée. Ou c’est que la nuit, avec son obscurité, rapporte celle qu’elle a frottée à l’éponge une fois ou l’autre.
Et elle en sort rapidement, attendant, là-dehors et accablée d’un autre souci, qu’António se réveille et qu’elle puisse, enfin, nettoyer avec l’air du matin ce que la nuit a souillé.
Tous les jours je me réveille de nuit, je me lève à l’aube. Bien que la lumière du jour soit déjà là, la première image que j’ai devant les yeux n’existe pas. Elle est obscure, fermée, noire. Je me réveille avec le soleil qui brille déjà là-dehors et le coeur dans l’obscurité.
Je me lève et je vais en tâtonnant jusqu’à la fenêtre. Je touche la persienne qui s’ouvre en un clin d’oeil et le soleil, qui se lève toujours avant moi, qui réveille mon corps de la nuit de la chambre, luit enfin au fond de l’image. Je sais qu’un jour ils construiront des immeubles devant la maison. Je sais qu’un jour il faudra que je cherche un autre endroit où je puisse me réveiller avec le soleil au fond de l’image.

Jorge Reis Sá, Todos os dias, Dom Quixote, 2006

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Certitude

Posté : 23 novembre, 2006 @ 12:22 dans - époque contemporaine, littérature et culture, Poesie | Pas de commentaires »

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Ne me demande pas de sourires
je transpire encore
les cris
des blessés dans les batailles.

N’exige pas de moi des gloires
je suis le soldat inconnu
de l’Humanité.

Les honneurs
sont pour les généraux.

Ma gloire
c’est tout ce que je subis et ce que j’ai souffert
mes sourires
tout ce que j’ai pleuré.

Ni sourires, ni gloire.

Juste le visage dur
de qui construit la route
parce qu’il doit marcher
pierre après pierre
en terrain difficile.

Un visage triste
de tant d’effort gaspillé
- l’effort des tenailles
qui le soir sont fatiguées.

Une tête sans lauriers
parce je ne me suis pas trouvé
dans le catalogue
des gloires humaines.
Je ne me suis pas découvert dans la vie
et des selves défrichées
cachent les chemins
par où je dois passer.

Mais je les trouverai
et je les suivrai
quel qu’en soit le prix.

Alors
dans un nouveau catalogue
je te montrerai
mon visage
auréolé de palmes

Et j’aurai pour toi
les sourires que tu veux.

Agostinho Neto, Poemas de Angola, Codecri, Rio de Janeiro, 1976

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Illusion

Posté : 20 novembre, 2006 @ 5:38 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

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Le Prêtre Jean

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

- Bon, arrange-toi comme tu peux, on va tourner en extérieur et le temps est incertain, il faut que nous profitions de la journée de demain sans faute parce que la météo a promis qu’il ne pleuvrait pas.
L’un des acteurs, qui jouait le rôle de Gil Rodrigues et, coïncidence, s’appelait aussi Gil, demanda :
- Donc, demain je vais être beaucoup plus jeune, c’est le début de l’histoire, quand Gil est encore un jeune homme en route pour la France…
- Ne t‘en fais pas, dit Júlia, la maquilleuse va te rajeunir de vingt ans en moins d’une heure.
- Oui, confirma Orlando, grâce à la maquilleuse tu seras comme neuf, mais les couches de make-up ne suffisent pas. Il faut que tu te mentalises, il faut que tu prennes une nouvelle posture corporelle, une autre attitude. Dans la scène qu’on a tournée aujourd’hui tu étais un homme de quarante ans, qui vivait à Paris il y a très longtemps et déjà sur le déclin… n’oublie pas qu’au moyen âge quand on atteignait quarante ans, on entrait pratiquement dans la vieillesse ! Demain il va falloir que tu aies l’air d’un jeune homme de vingt ans, plein de vigueur et d’espoir, avec encore un monde d’illusion devant toi !
Jorge Namuli, l’acteur mozambicain qui jouait l’ « esclave Jusino », dit :
- Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi tu veux que moi, je garde le même aspect, que « mon maître » Gil ait quarante ans, ou vingt…
Le réalisateur réfléchit :
- Eh bien, à vrai dire tu incarnes une sorte de figure symbolique, tu sais bien, la légende parle d’ « esclave éthiopien »…
Jorge rit :
- Vraiment, je n’ai rien d’un Ethiopien, je suis de Nampula !
- Justement ! L’Ethiopie est le royaume mirifique de la reine de Saba et du mystérieux Prêtre Jean, tu es donc le « double caché » des projections animistes de ton maître Gil Rodrigues, de ses plus beaux rêves et de ses pires cauchemars, comme si tu étais à la fois un miroir et une conscience !

António de Macedo, As furtivas pegadas da serpente, Caminho, 2004

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Le prix juste

Posté : 16 novembre, 2006 @ 12:29 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

(Le voyageur a demandé « le prix juste » pour venir en aide au roi)

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Exu

La foi humaine est toujours plus grande que l’homme lui-même : le voyageur fut introduit dans les appartements royaux. Et trois jours seulement s’écoulèrent. Le peuple était massé sur la place du marché quand les épouses sortirent en courant du palais pour annoncer que le roi était déjà rétabli.
Les festivités furent programmées pour la foire suivante, mais des manifestations de joie la devancèrent. Oió se changeait en ce qu’elle avait été. Il ne fut pas jusqu’à une pluie bienfaitrice qui ne vint raviver les couleurs de la savane desséchée.
A la date fixée, le roi réapparut, entouré de pompe et d’acclamation. Il se dirigea vers le trône au centre du marché et éleva la voix :
- Qu’il vienne devant moi le voyageur à la capuche rouge et noire!
Celui-ci s’approcha et le roi dit :
- La gratitude de Oió est sans mesure. Que le voyageur me dise son prix.
- Je veux le prix juste.
- Le roi t’accorde cent pièces d’ivoire.
- C’est peu; et cela ne tient pas dans ma musette.
- Aux cent pièces d’ivoire, j’ajoute trente sabres de fer.
- C’est peu; et cela ne tient pas dans ma musette.
- Aux cent pièces d’ivoire, aux trente sabres de fer, j’ajoute dix mesures de perles de verre.
- C’est peu; et cela ne tient pas dans ma musette.
- Aux cent pièces d’ivoire, aux trente sabres de fer, aux dix mesures de perles de verre, j’ajoute cinquante esclaves.
- C’est peu, et cela ne tient pas dans ma musette.

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petit matin

Posté : 14 novembre, 2006 @ 10:42 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

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Vincent Van Gogh, L’église d’Auvers-sur Oise (détail)

Je me lève ? Je vois déjà le soleil qui cherche à entrer par les pores des persiennes. Ses rayons frôlent le lit, l’armoire, la chaise où j’ai posé les vêtements d’António. Et ils entrent sans demander la permission, tous les jours. La chambre est exposée au Levant, et c’est nous, António et moi, qu’ils viennent atteindre en premier.
Je me lève. Il faut que j’aille ouvrir aux poules, elles chantent déjà. Elles sont tout à moi, les poules. La baraque, le poulailler, le potager, le morceau de terre derrière la maison où je suis si souvent. C’est ma terre. C’est en elle et pour elle que je me lève lorsque l’aurore inonde la chambre. Et j’ai la chienne, elle aboie déjà. Il faut que je la détache, que je la laisse courir dans le petit matin, entre les choux, aboyant aux poules et effrayant les poussins.
[...]
Je laisse António livré au sommeil et aux rêves qui peuvent lui arriver. Allongé dans le lit, pour lui la nuit est encore obscure, même si les pores des persiennes laissent déjà entrer de la lumière. Il dort. Je le laisse dormir, je vais à la salle de bains. Avant même de cultiver un peu la terre qui me nourrit le corps, avant tout cela, je me regarde dans le miroir.
Je me dis que les années ont passé sur toi, Justina, comme des flèches au milieu de la végétation. Elles sont passées en rasant les feuilles et les feuilles ne s’en sont pas aperçues. Elles ont à peine senti un souffle bref, une brise qui a fait bouger leurs tiges. Tous les jours, depuis que je te connais, Justina, tu te regardes dans le miroir au lever du jour. Depuis toute petite, depuis l’école primaire, depuis que tu passais toutes tes journées à l’école avec Dona Preciosa, le miroir est la première chose que tu vois dans le matin. Si tu te regardes toujours, tu n’as pas senti venir la vieillesse ? Les premières lunettes à dix ans ? Les graduations qui montaient à mesure que tu grandissais ? Les premières règles, la première fois que tu as fait l’amour, la première grossesse ? Et le premier petit-fils ? Et la retraite ? Et la vieillesse ? Et la vieillesse, Justina ?
Non, je n’ai pas senti. Peut-être que si je ne m’étais pas vue depuis un mois je me sentirais différente ? Mais comme ça, non. Comme ça, je ressemble à la fillette qui allait à l’école prendre des coups de canne de palmier à trois pointes de Dona Preciosa, je me sens comme si j’en étais encore à apprendre les premières lettres de l’alphabet. Mon visage est froissé des rides de la vie. Mes mains sont marquées par la terre. Mon corps est tombant, il attend la fin.

Jorge Reis Sá, Todos os dias, Dom Quixote, 2006

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Destins

Posté : 14 novembre, 2006 @ 6:50 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

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Crédit Michel Pierssens (www.maldoror.org)

Ce qui est intriguant, pourtant, c’est que nous ne savons rien de cette fiancée de quinze ans ; sur les photographies de famille, son visage n’apparaît pas non plus, vieilli, dans ces groupes qui se faisaient immortaliser lors de réunions rassemblant plusieurs générations, et dans lesquelles, habituellement, parmi les enfants et les couples jeunes ou vieux, apparaissent toujours deux ou trois femmes seules assimilées à des tantes ou des cousines ; on lit sur leur visage l’angoisse d’une solitude irrémédiable, qu’elles cherchent à compenser en se rendant aux thés auxquels elles ne sont pas invitées, s’obstinant à parler du passé où ont été enterrés leurs rêves. La fiancée aurait pu être l’une d’elles, condamnée à vivre avec le poids de cette malédiction du promis qui avait disparu, mais qui pourrait à chaque instant réapparaître nanti d’une immense fortune provenant de l’exploitation des propriétés que son talent colonisateur avait défrichées ; et il ferait don à la jeune fille, devenue femme, moins de la virilité qu’il possédait encore lorsqu’il était parti que de cet avantage économique qu’elle pourrait garder en héritage, de même qu’un enfant qu’il pourrait encore lui faire, lors d’un répit entre la fatigue de l’âge et une maladie tropicale quelconque, sans oublier les excès commis avec les Africaines ou les Indiennes que la légende promet à ces exilés.

Nuno Júdice, L’Ange de la tempête, La Différence, 2006

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