Lusopholie

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Archive pour la catégorie 'littérature et culture'

enquête

Posté : 14 novembre, 2006 @ 8:54 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

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Ils durent expliquer trois fois leurs objectifs à la sentinelle, le garçon se grattait le menton d’étonnement. Et vous voulez entrer sans avoir de laissez-passer ? Mais il n’en est pas question, ici ça n’est pas à proprement parler le Jardin Zoologique, pour venir se promener le dimanche avec son amoureuse. Joaquim Peixoto tremblait à la seule pensée d’appliquer ce mot à la présence pulpeuse de Bárbara Emília tout près de lui, il montrait quand même sa carte d’identité, sa carte professionnelle, je suis ici en service. Sans laissez-passer, oubliez, mon ami. Si vous vous en étiez occupé à Lisbonne. Il fallut que Sebastião Curto vienne se joindre au groupe, deux ou trois plaisanteries déjà prêtes avec le sourire sardonique de celui qui contrôle tout, pour que cette obstination militaire commence à céder. On vient de si loin, par cette chaleur, pour se faire traiter de cette manière, mon lieutenant ? Appelez donc lieutenant votre cousine. Mais il commençait à sourire du coin des lèvres, il faut savoir les caresser dans le sens du poil, Quim.
- Je vous appelle l’officier de jour. Vous vous débrouillerez avec lui.

Bárbara Emília retourna en courant jusqu’au fourgon, délicieusement complice, pour que les choses aient l’air plus officielles. Sebastião Curto mit son appareil photo bien en vue, Joaquim Peixoto serrait fortement entre ses doigts sa carte de presse. L’officier de jour avait une barbe très courte, épaisse et bien taillée, où couraient les premiers poils blancs sur un fond cuivré. Il portait des lunettes légèrement fumées, et parlait français sans accent. Il écouta le stagiaire avec amabilité. Puis il lui tendit une carte de visite en papier brillant, avec des lettres vertes sur fond crème. Venez chez moi demain en fin d’après-midi, je serai à votre disposition. Maintenant c’est impossible. Il se retira avec un bref hochement de tête, et déjà la sentinelle leur conseillait d’aller s’occuper de leurs affaires.

Clara Pinto Correia, Adeus, Princesa, Relógio de Água, 1985

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Exil

Posté : 11 novembre, 2006 @ 8:54 dans - moyen âge/ XVIème siècle, littérature et culture | Pas de commentaires »

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Exil (www.ct.bam.de/people/ct)

Lamentor retourna à sa plainte, qui était grandement justifiée. Mais alors qu’ils étaient restés ainsi, lui et la sœur, pendant très longtemps, et que le soleil était près de marquer midi, la dame de bonne famille (qui par la suite se nomma Nourrice lorsqu’elle éleva la petite fille), comme elle était déjà âgée, et savait beaucoup de choses, s’approcha de l’endroit où ils étaient tous les deux à se lamenter :
- Seigneurs, dit-elle, vous allez pleurer longtemps, car il me semble que le mauvais sort existe en cette contrée aussi bien qu’en la nôtre. Laissez là les larmes, car le temps n’est pas, Monsieur, de ne pas paraître chevalier, ni pour vous, Madame, de paraître si femme. Rappelez-vous que nous sommes tous tristes, que si grand malheur fut le nôtre que non seulement nous devons le souffrir, mais aussi nous en consoler les uns les autres. Et puisque cette douleur n’aura pas de fin, prenons aussi pitié de nous-mêmes, qui sommes vivants. La sépulture est due aux morts : il faut que les choses nécessaires soient faites. Pensez que c’est là le dernier don de la vie. Tant que nous aurons le corps de Dame Bélisa sur la terre, il semblera que nous empêchions la part la moins importante de son départ. Et peut-être souffre-t-elle du fait que nous lui déniions ce droit, alors qu’elle ne nous demandera jamais plus rien d’autre.
Ces paroles achevées, qui ne furent pas prononcées sans larmes ni grande douleur de la part de tous, elle souleva la Demoiselle Aonia dans ses bras, et l’emmena sous la petite tente qui se trouvait à côté. Elle retourna ensuite vers Lamentor, pour l’aider à s’y diriger également. Puis elle s’occupa de préparer le nécessaire. Mais Lamentor ne voulut pas qu’on emmène ailleurs le corps de Bélisa, il ordonna que sa sépulture fût plutôt creusée à l’endroit où elle était morte, car il avait aussitôt décidé de ne plus quitter cet endroit aussi longtemps qu’il vivrait. Et ainsi fut fait.
Parce que la coutume, dans les royaumes d’où ils venaient, était qu’avant la mise en terre du corps tous les plus proches parents vinssent le baiser sur les joues, les familiers aux pieds, et le plus proche parent venant en dernier (il semble qu’ils faisaient cela en guise d’ultime salut, pour que la transmutation soit placée sous de bons auspices), lorsque tout fut fini, la Nourrice vint appeler Lamentor et la Demoiselle Aonia. Ils arrivèrent. Mais la demoiselle Aonia se précipita pour embrasser les joues de sa sœur, criant :
- En une autre contrée il y aurait eu plus de monde pour vous rendre cet hommage !
Puis elle commença à lacérer son beau visage, et tous trois élevèrent une triste lamentation que c’en était merveille, chacun se rappelant sa douleur, et allant baiser les pieds de Bélisa. Lamentor, qui souffrait comme il n’avait encore jamais souffert, après bien des soupirs arrachés à son âme, pensant à ce qu’il devait faire pour accomplir le rite, parla ainsi :
- Hélas, Dame Bélisa, comment dois-je vous saluer ? Pour moi vous avez quitté votre pays, pour moi vous avez quitté votre mère ! Qui a pu vous séparer de moi en terre étrangère, pour que vous me rendiez si triste ? Votre amour pour moi n’était-il pas assez grand ? Mais une mauvaise fortune quelconque de moi fut jalouse, car ce que vous faisiez pour que je fusse le chevalier le plus heureux du monde, elle le fit pour que je fusse le plus malheureux. Infortuné chevalier, car pour vous, Madame, était prévue une sépulture en terre étrangère, et pour ma vie, deux. Mais la vôtre contiendra votre corps, et les miennes, mon corps et mon âme.

Bernardim Ribeiro, Mémoires d’une jeune fille triste (Menina e Moça), Phébus, 2003, première édition Ferrare 1554

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Vengeance et hommage

Posté : 8 novembre, 2006 @ 6:31 dans - moyen âge/ XVIème siècle, littérature et culture | Pas de commentaires »

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(1320-1367)

 

Lorsque le roi de Castille apprit que Diego Lopes n’avait pas été pris, il fut très en colère, mais il ne put rien faire de plus ; alors, il envoya Alvoro Gonçalvez et Pero Coelho, bien gardés et enchaînés, au Roi du Portugal son oncle, ainsi qu’ils l’avaient décidé. Et lorsqu’ils arrivèrent à la frontière, ils y trouvèrent Mem Rodriguez Tenoiro, et les autres Castillans, que le Roi Dom Pedro envoyait ; et Diego Lopes disait plus tard en parlant de cette histoire qu’on avait échangé là des ânes contre des ânes. Et ils furent emmenés à Séville, où était alors le Roi, et là le Roi les fit tous tuer. On emmena au Portugal Alvoro Gonçalvez et Pero Coelho et ils arrivèrent à Santarém où était le Roi Dom Pedro ; et le Roi, satisfait de leur arrivée bien que contrarié parce que Diego Lopez s’était enfui, sortit pour les accueillir, et en proie à une rage cruelle, sans pitié, il les mit au tourment de sa main, voulant qu’ils lui avouent qui était coupable de la mort de Dona Inès.
[...]
Et aucun d’eux ne répondit à ces questions quoi que ce fût qui agréât au Roi ; et on dit que le Roi, très en colère, frappa Pero Coelho au visage, et que celui-ci lui cria des paroles laides et malhonnêtes, l’appelant traître, parjure, bourreau et meurtrier ; et le Roi ordonna qu’on lui apportât de l’oignon et du vinaigre pour le lapin [
coelho signifie lapin], se lassa d’eux et les fit mettre à mort. La façon dont on les tua, dite par le menu, serait très étrange et cruelle à raconter, car il fit arracher le cœur de Pero Coelho par la poitrine et celui de Alvoro Gonçalvez par les omoplates ; et les paroles qui furent dites, car celui qui leur arrachait le cœur était peu habitué à cette sorte d’office, seraient bien douloureuses à entendre ; enfin il ordonna de les brûler ; et tout ceci fut fait devant le palais où il séjournait, de sorte qu’il pût, tout en mangeant, regarder et donner ses ordres.
Le Roi perdit beaucoup de sa bonne réputation à cause de cet échange, qui fut tenu au Portugal comme en Castille pour un très grand mal, et tous les hommes de bien qui entendaient cela disaient que les rois se trompaient fort en agissant contre leurs serments, puisque ces chevaliers avaient reçu le droit d’asile en leurs royaumes.
[...]
Et ayant eu l’idée d’honorer sa dépouille [d'Inès], puisqu’il ne pouvait plus rien faire d’autre, il fit construire un monument de pierre blanche, très subtilement travaillé, faisant élever sur le dessus du tombeau son image avec une couronne sur la tête, comme si elle avait été Reine ; et il fit déposer ce monument dans le monastère d’Alcobaça, non à l’entrée où reposent les rois, mais dans l’église à droite, près de la grande nef. Et il fit amener son corps du monastère de Santa Clara de Coimbra, où il reposait, le plus honorablement qu’on pût faire, car elle était portée dans une litière, très bien faite pour ce temps-là, que portaient de grands chevaliers, accompagnés d’hommes très nobles, et de maints autres gens, et de dames, et de demoiselles, et de maints serviteurs. Sur le chemin se trouvaient maints hommes tenant des cierges à la main, disposés de telle manière que son corps fit tout le chemin entre les cierges allumés ; et ainsi ils arrivèrent audit monastère, qui était éloigné de dix-sept lieues, où avec maintes messes et une grande solennité elle fut déposée dans ce monument : et ce fut le plus honorable transfert qu’on eût jamais vu au Portugal.
Pareillement le Roi fit faire un autre monument aussi bien travaillé pour lui, et le fit déposer à côté du sien, afin que lorsqu’il mourrait on le déposât dedans.

Fernão Lopes (1380?– 1460?) Crónica de D. Pedro I

 

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Pour Inès, encore

Posté : 8 novembre, 2006 @ 3:54 dans - XVIIème/XVIIIème siècles, littérature et culture, Poesie | Pas de commentaires »

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Que l’air se brouille,
Et fanent les fleurs ;
Mourez, Amours,
Inès est morte.

Pauvre époux,
Lamente-toi,
Ton enchantement
N’est déjà plus tien.

La lame en secret,
A gâché son sein,
Injure barbare,
Qu’on lui a faite.

De douleur, d’effroi
Dans son char doré
Le bel astre blond
A défailli.

[...]

Des oiseaux sinistres
Ont piaillé ici,
Des loups ont hurlé,
Le sol a tremblé.

Que l’air se brouille,
Et fanent les fleurs;
Mourez, Amours,
Inès est morte.

Manuel Maria Barbosa de Bocage, A morte de Inês de Castro (1765-1805)

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Le suspect

Posté : 7 novembre, 2006 @ 7:15 dans - époque contemporaine, littérature et culture | 1 commentaire »

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‘Cachons-nous maintenant’, a chuchoté un de ceux qui m’escortaient.
C’est ce que j’ai fait. Lorsque nous avons été cachés dans les buissons, ayant pour témoins les gardes qu’il avait envoyés depuis quelques jours surveiller le lieu, le chef de l’escorte a dit enfin.
‘Comme vous nous l’avez ordonné’, a-t-il dit, ‘nous avons toujours ici des soldats dispersés qui surveillent discrètement le lieu alentour, et c’est ainsi que nous avons vu, ces derniers jours, une silhouette d’homme qui se tapit dans cette masure. Les premiers jours nous n’avons rien fait, car il aurait pu être un mendiant, et non un être mauvais. Mais ses vêtements, bien que simples, ne suggèrent pas une condition si humble. Alors nous avons été pris de doute : si ce n’était pas un mendiant, il devait avoir commis des fautes pour se cacher ainsi jour après jour. Il sort toujours en cachette, en regardant bien de tous les côtés, et de préférence quand la lumière de l’après-midi disparaît, ou quand le jour est à peine levé.’
Après l’avoir écouté, je lui ai demandé si l’homme était dans la masure.
‘Est-il dans la masure en ce moment ?’ ai-je demandé.
‘Il y est.’, a répondu le chef de mon escorte. ‘Comme je vous l’ai dit, il sort peu. Il ne s’absente de la masure qu’à l’aube ou à l’heure des vêpres, qui sonnera bientôt ; il reste dehors un petit moment, et ensuite il revient. Seigneur Enquêteur, je crois que nous avons fait une grosse prise. Je crois bien que c’est un des maîtres de la confrérie hérétique. Peut-être même…’
Il a cessé de parler et n’a plus rien dit, mais j’ai compris ce qu’il pensait.
‘Vous voulez dire que cela pourrait même être l’actuel pasteur de la confrérie ?’ lui ai-je demandé.
Il s’est tu. Il m’a regardé.
Les vêpres ont sonné au clocher de la Collégiale au loin, on les entendait bien de là où nous étions, et nous n’avons pas eu besoin d’attendre beaucoup pour que l’homme surveillé sorte de la masure. D’abord lentement, voilà qu’il montrait son visage à la porte, en regardant alentour comme un gibier qui se sent acculé ; puis il a fait deux pas hors de la masure ; ensuite, plaqué contre les ombres, il s’est fondu dans les buissons proches en marchant discrètement le long des murailles du château de la Dame Comtesse qui se trouvaient tout près.
‘Que fait-il d’habitude maintenant ?’ ai-je demandé.
Le chef des gardes m’a répondu
‘La plupart du temps il se promène le long des murs comme s’il voulait boire l’air pur de la nuit qu’il n’a pas à l’intérieur. Quelquefois, pas souvent, il entre au château de la Dame Comtesse et y reste un moment.’
A l’entendre parler ainsi de la Dame Comtesse, je n’ai pu dissimuler un léger tremblement en l’interrogeant de nouveau.
‘Et la Dame Comtesse, l’avez-vous vu parfois entrer dans la masure ?’
‘Non, Seigneur Enquêteur, jamais. Mais nous savons, pour nous être renseignés, que la masure est à elle. Que faisons-nous ? Arrêtons-nous cet hérétique si suspect ?’
Je n’ai rien répondu. Que ferais-je à présent ? Que devrais-je faire, pour agir correctement ? Si près du but, j’ai craint qu’en agissant avec trop d’impatience, je puisse tout faire échouer.
‘Seigneur Enquêteur’, m’a demandé encore une fois ledit chef des gardes, ‘L’arrêterons-nous lorsqu’il reviendra ?’
J’ai réfléchi un peu, puis j’ai répondu.
‘Pour quel motif ? Parce qu’il vit caché dans une masure ?’
Le chef des gardes m’a répondu, et il me semblait que son ton montait.
‘Seigneur Enquêteur, les motifs, nous les trouverons très facilement si nous l’interrogeons bien à la Collégiale. C’est ainsi que procèdent les enquêteurs.’
En entendant ces mots, je lui ai chuchoté aussitôt, avec toute la force que l’on peut mettre dans un chuchotement, que c’était moi l’enquêteur.
‘Chevalier, c’est moi qui suis l’enquêteur et nous agirons conformément à mes ordres ; j’aime mieux avoir la certitude des fautes avant l’arrestation qu’après.’

Sérgio Luís de Carvalho, El-Rei Pastor, Campo das Letras, Porto, 2000

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Commérages

Posté : 6 novembre, 2006 @ 11:41 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

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- Maman ! cria Inês, entrant dans la cuisine en courant. Tu as dit à Laurinda que le chat avait vomi sous le placard ?
- Ah, c’est vrai, Laurinda. Merci, Inês, de me l’avoir rappelé. Tu es un amour.
Contrariée, Laurinda écarta péniblement le placard du mur, prit la serpillière et se baissa.
- Que ce chat aille au diable, jura-t-elle. Pardonnez-moi, mais vous ne devriez pas avoir de chats ici. Les chats sont du côté du Mal, comme je vous l’ai déjà dit.
Vanda leva les yeux au ciel et sourit. – André et moi, nous pensons que les enfants doivent grandir avec des animaux à la maison. Normalement il est très propre, vous le savez. Il a dû manger quelque chose qui lui a fait mal, un rat qu’il attrapé dehors, peut-être.
Damné animal, pensa Laurinda en se mettant à genoux. Et ils ont laissé sécher cette cochonnerie, ça va être facile à nettoyer.
- Madame Piedade a dit, commença-t-elle, légèrement haletante, après s’être relevée, que les chats étaient du côté du Mal. Moi, je ne risque pas même de les toucher ! Une fois, je crois que je vous l’ai déjà raconté, j’avais…
- Oui, oui, vous me l’avez raconté, Laurinda. Attendez, je vais vous aider. Vous ne pouvez pas pousser le placard toute seule.
- C’est bien moi qui l’ai tiré, non ? Il n’y a pas de raison qu’il soit devenu plus lourd entre-temps, grommela Laurinda, repoussant le placard contre le mur.
- Racontez-moi la suite de l’histoire, demanda Vanda, en regardant la pendule.

 

 

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Le sanglier blanc

Posté : 30 octobre, 2006 @ 12:37 dans - époque contemporaine, littérature et culture | 2 commentaires »

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Le père de Fito n’avait jamais eu peur des vagabonds. Et jamais non plus il ne leur avait refusé un croûton de pain, de l’eau ou un coin pour dormir à l’abri. Mais chez Futingo il y avait, cependant, quelque chose de différent. Sa silhouette immense, sa voix rauque, la profondeur de ses yeux bleus… les choses qu’ils savait sur les vivants et les morts. Il en éprouvait une certaine terreur, mais aussi une forte attraction qui l’amenait à le recevoir, brûlant d’écouter ses histoires. En effet, ce n’était pas souvent que quelqu’un se risquait à traverser ces sommets pour pénétrer en Galice ou pour en sortir. Et personne ne l’aurait fait comme lui au plus dur de l’hiver.
- Entre. Viens près du feu, lui dit-il en le voyant à la porte.
Fito le regarda avec de grands yeux. Sa silhouette imposante avançait vers l’intérieur de la palloza, il posait son bâton et laissait sur le seuil le sac de vêtements qu’il portait sur son épaule.
- Il y a longtemps qu’on ne vous voyait plus, dit encore son père.
- Oui, bonne nuit à tout le monde.
Sa grand-mère, ses parents et ses frères étaient assis autour du feu. Le nouveau venu prit place sans se pencher beaucoup vers les flammes, tout en défaisant ses vêtements chauds.

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Chien perdu

Posté : 24 octobre, 2006 @ 8:18 dans - époque contemporaine, littérature et culture | 2 commentaires »

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L’antiquaire regarde une fois de plus le corps couché à ses côtés. Et alors, lentement, sans faire le moindre bruit, il se lève, ramasse ses vêtements qu’il enfile sans allumer la moindre lumière, écrit trois lignes sur un papier qu’il laisse sur la table de la salle à manger et sort de chez Antónia vers les rues noires et obscures. Les lampadaires lointains éclairent les rues par où il passe, le bruit de ses propres pas l’accompagne dans sa marche, il entend quelque part des bruits auxquels il n’avait pas prêté attention dans la journée. Il ne regarde pas le restaurant en passant devant, il continue simplement, et les pas qui l’accompagnent sont plus rapides à présent, plus sûrs du chemin, plus décidés, plus proches de l’endroit où ils veulent arriver, plus près, car la boutique est par là, et déjà proche, de la rue suivante on la voit déjà. A la porte de la boutique, enroulé sur lui-même, sommeille un chien abandonné. Son corps tremble du froid qui tombe de la nuit et l’antiquaire, en le voyant ainsi, s’approche plus lentement. Le chien lève les yeux sur lui, son corps tremble toujours, l’antiquaire murmure des paroles de réconfort et lui tend une douce main ouverte. Le chien se lève, son corps tremble plus fort, ses yeux se détournent en une expression nette de peur, son corps se rétrécit à présent – plus qu’il ne tremble – et, enfin, le chien se met à courir dans la rue obscure, fuyant l’habitude et la peur qui le dominent à force d’être maltraité par tant de gens.

Sérgio Luís de Carvalho, Retrato de S. Jerónimo no seu estúdio, Campo das Letras, 2006

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