Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

Archive pour la catégorie 'Poesie'

La nuit

Posté : 17 mars, 2011 @ 9:15 dans - époque contemporaine, littérature et culture, Poesie | 3 commentaires »

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Je vois clairement la nuit : c’est une brebis noire qui avance en dévastant le paysage. Tout à l’heure, elle était blonde, oxygénée. Elle avançait méthodiquement. De temps en temps elle envoyait un baiser à une petite herbe lointaine. Non, elle mordillait la distance avec une avidité régulière, modérée. En ce moment elle hume délicatement. Qui sait, peut-être est-ce une façon de dire bonjour. Non. C’est une légère brise. Une brise qui naît de la pointe de son oreille gauche, l’oreille de l’Ouest, chaque fois qu’un insecte tente de se poser sur le fil fragile du temps. Une brise qui vrombit comme un insecte. Mais tout continue. Il n’y a plus de différence entre la nuit et la distance, entre la distance et la brebis noire.
Je ne vois pas ce que j’écris. L’obscurité s’est emparée de tout. Cela ne sert plus à rien d’écrire quoi que ce soit. Mais je sais que l’obscurité et la nuit sont deux choses très distinctes.
Non. Ce n’est pas la nuit. C’est une dame âgée, vêtue de noir, qui se protège la tête du soleil avec son sac noir. Et qui attire la chaleur.
C’est le début de la mort. De la nuit.
Il n’y a plus qu’à cylindrer l’obscurité. Et que reste-t-il ? L’ombre d’une vieille qui se protège du soleil avec son sac. Une ombre qui s’en est allée et a emporté le jour. Sans que personne ne s’en aperçoive. Sans qu’elle-même ne s’en aperçoive.

Dimíter Ánguelov,Nevoa com flor azul no meio, Colibri, 1999.

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Chant

Posté : 12 mars, 2011 @ 6:01 dans - époque contemporaine, littérature et culture, Poesie | 4 commentaires »

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Une nuit tombe contre la lumière,
et les cimes que le songe annonçait disparaissent
au fond du val où les dieux se couchent,
comme des animaux malades. Mais nul fleuve
n’interrompt son cours; et le printemps
fait sortir de terre les premières fleurs,
peignant en jaune le vert
des champs. Cependant, le goût des ténèbres
demeure dans ton âme, avec son entière
amertume; et un écho d’oiseaux sombres
obscurcit ce que tu dis, comme si les paroles
humides du chant avaient séché
tes lèvres.

Nuno Júdice, 3 mars 2007, A a Z

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la mer, l’hiver

Posté : 9 mars, 2011 @ 3:58 dans - époque contemporaine, littérature et culture, Poesie | Pas de commentaires »

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L’hiver, les plages désertes s’emplissent d’écume
et de mouettes. J’entends le fracas des vagues contre la falaise;
et je respire l’air salé avec l’impression lumineuse
du matin. La nuit, cette image se transforme
en un simple souvenir: et je le colle à la vitre de mon âme
pour ne pas oublier ce que j’ai vu, sachant qu’un
jour je pourrai m’en servir, dans le poème, où la mer se
transformera en cette image que j’ai gardée, par un
matin d’hiver.
Pourtant, je n’entends pas au fond des mots
le fracas de la marée ; ni ne respire, entre
les vers, le froid humide d’un bord de mer où j’ai appris
les couleurs exactes du matin. Le poème n’est pas plus
qu’une carte où j’accompagne, sur la ligne des substantifs,
le courant du monde, et j’imagine, dans la tache
de chaque adjectif, la forme des paysages. Et je feuillette
les strophes en un voyage abstrait, en quête
des grandes plages de la vie.
Mais la mer est toujours collée à la vitre
de mon âme, embuant ce que j’écris
de son rythme matinal.

 Nuno Júdice, http://aaz-nj.blogspot.com, 23 mars 2008


Taco a taco

Posté : 7 mars, 2011 @ 5:11 dans - époque contemporaine, littérature et culture, musique et chansons, Poesie | Pas de commentaires »

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Amélia Muge, Taco a taco

 

Poète et jongleuse de mots et de sons, à la gestuelle particulière qui évoque son enfance africaine, Amélia Muge nous séduit par ses mélodies et nous emporte dans un voyage unique.

Y’a plus qu’à …

Posté : 2 mars, 2011 @ 8:32 dans littérature et culture, musique et chansons, Poesie | Pas de commentaires »

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José Afonso, O que faz falta

Un exemple du talent de Zeca à mêler la musique portugaise et les rythmes africains après les années passées au Mozambique. Album « Coro dos Tribunais » de 1972.

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L’enfant

Posté : 15 février, 2011 @ 8:37 dans - époque contemporaine, littérature et culture, Poesie | 2 commentaires »

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Maria Bethânia, O poema do menino Jesus (Alberto Caeiro alias Fernando Pessoa)

 

 A moi, il m’a tout appris.
Il m’a appris à observer les choses.
Il me montre tout ce qu’il y a dans les fleurs.
Il me montre comme les pierres sont jolies
Quand on les tient dans la main
Et qu’on les regarde bien.

Le premier jour

Posté : 11 février, 2011 @ 8:45 dans musique et chansons, Poesie | 2 commentaires »

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Sérgio Godinho, O primeiro dia

Au début c’est simple, on marche tout seul
on passe dans les rues, tout doucement
on est dans le silence et le murmure
on boit les certitudes dans un verre de vin
puis on se souvient d’une phrase rebattue

aujourd’hui, c’est le premier jour du reste de ta vie
hoje é o primeiro dia do resto da tua vida

Peu à peu l’allure se fait vagabonde
on fait le tour de la peur, on fait le tour du monde
on dit du passé qu’il est moribond
on boit le courage dans un verre sans fond
et on se souvient d’une phrase rebattue

hoje é o primeiro dia do resto da tua vida
hoje é o primeiro dia do resto da tua vida

Alors, les amis nous offrent un lit
on entre crevé, on ressort rafraîchi
on lutte pour tout ce qui nous tient à coeur
on boit et on mange, quelqu’un nous dit bon appétit
et on se souvient d’une phrase rebattue

hoje é o primeiro dia do resto da tua vida
hoje é o primeiro dia do resto da tua vida

Puis vient la fatigue, et le corps faiblit
on se regarde, il ne reste plus grand chose
on demande un répit, aussi court soit-il
on oublie ses doutes dans une mer de bière
e vem-nos à memória uma frase batida

hoje é o primeiro dia do resto da tua vida
hoje é o primeiro dia do resto da tua vida

Enfin, d’un choix on fait un défi
on affronte la vie d’un bout à l’autre
on navigue sans mer, sans voile ni navire
on boit du courage même d’un verre vide
e vem-nos à memória uma frase batida

hoje é o primeiro dia do resto da tua vida
hoje é o primeiro dia do resto da tua vida

Entre temps, le temps a fait cendre la braise
une marée haute viendra de la marée basse
un jour nouveau se lève, et on a des ailes
on trinque à ses amours avec le vin qui reste
e vem-nos à memória uma frase batida

hoje é o primeiro dia do resto da tua vida
hoje é o primeiro dia do resto da tua vida

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Elégie

Posté : 8 février, 2011 @ 9:35 dans - XVIIème/XVIIIème siècles, littérature et culture, Poesie | Pas de commentaires »

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Cascade fantastique, huile de Catherine Scharbach

Seraient-ils ceux-là,
Les lieux enchanteurs,
Par où je passais
Les bonnes années ?

Serait-ce les prés
Où je m’amusais,
Tout en faisant paître
Le gentil troupeau

Qu’Alceu m’a laissé ?

Ce sont-là ces lieux ?
Eh bien oui ; c’est moi
Qui suis différent.
C’est toi, Marília ?
J’arrive, attends.

Un cours d’eau tombait
De ce haut rocher ;
Au bruit murmurant
J’ai dormi souvent !
L’écume neigeuse
Ne recouvre plus
Les rochers brisés :
Comme si la rivière
S’était détournée.

Ce sont là ces lieux ?
Eh bien oui ; c’est moi
Qui suis différent.
C’est toi, Marília ?
J’arrive, attends.

[…]

L’âme qui avait
Toute liberté,
Ressent à présent
Amour et regret.
Les lieux enchanteurs
Qui jadis me plurent,
Las ! n’ont pas changé ;
Mais j’ai d’autres yeux,
Je suis affligé.

Ce sont là ces lieux ?
Eh bien oui ; c’est moi
Qui suis différent.
C’est toi, Marília ?
J’arrive, attends.

Tómas António Gonzaga, Liras, (Bahia) 1744, Portugal – 1810 ?, Mozambique.

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