Archive pour la catégorie 'Poesie'
Levantou-s’a velida
Dom Dinis
Elle s’est levée la belle
elle s’est levée à l’aube
va laver des chemises
au large
va les laver bien blanc.
S’est levée la mignonne
elle s’est levée à l’aube
va laver des corsages
au large
va les laver bien blanc.
Va laver des chemises
elle s’est levée à l’aube
le vent les lui soulève
au large
va les laver bien blanc.
Va laver des corsages
elle s’est levée à l’aube
le vent les lui emporte
au large
va les laver bien blanc.
Le vent les lui soulève
elle s’est levée à l’aube
l’aube s’est énervée
au large
va les laver bien blanc.
Le vent les lui emporte
elle s’est levée à l’aube
l’aube s’est enragée
au large
va les laver bien blanc.
Dom Dinis, CV 172
Cantiga
C’est par ton visage où passent les marées,
par tes lèvres où les mouettes volent,
par tes doigts où la lumière transparaît,
par tes yeux qui me tracent des routes,
que ce bateau trouve son chemin,
que ce jour découvre qu’il est encor temps,
que les paroles se boivent comme du vin,
et l’ardeur du feu n’est pas une souffrance.
C’est en ce que tu me dis dans les mots de la nuit,
en ce qui reste du matin que l’on oublie,
en ce que l’on dit dans tout ce que l’on tait,
sans pour autant le dire au lever du jour.
Peut-être est-ce l’amour si souvent éprouvé,
ou seulement celui qui vit dans mon cœur,
peut-être est-ce ce que je croyais avoir oublié,
et qui revient à présent par ta main.
Combien de fois déjà arriva le printemps,
combien de fois les fleurs tout aussitôt moururent :
jusqu’au jour où rien ne fut plus comme avant,
et où toutes les feuilles mortes reverdirent.
Nuno Júdice, A à Z, 18 mai 2007
Nuno Júdice est né le 29 avril 1949 à Mexilhoeira Grande (Algarve). Il est professeur en Littérature Comparée à la Faculté de Sciences Sociales et Humaines de l’Université Nouvelle de Lisbonne. Entre fin 1997 et début 2004 il a été Conseiller Culturel à l’Ambassade du Portugal à Paris, où il a dirigé le Centre Culturel de l’Institut Camões.Il a publié des livres de poésie, des essais, des romans.Il est traduit en plusieurs pays, et en France son recueil Un chant dans l’épaisseur du temps est paru dans la collection Poésie/Gallimard. Son roman Traces d’ombres est paru dans les Editions Metailié et L’Ange de la tempête chez La Différence. D’autres livres sont publiés chez Fata Morgana (Lignes d’Eau, Pedro évoquant Inès, Source de vie), Editions Chandeigne (Jeu de reflets), L’Escampette (Les Degrés du regard) et Le Taillis Pré (La Condescendance de l’être et Le Mouvement du monde).
Immortels
Mafalda Veiga, Quero-te tanto
Même si la vie nous attrape comme ça
change nos plans sans rien demander
sans chercher à quoi elle a droit
en se moquant du mal qu’elle nous fait,
je sais que nous sommes immortels
si nous ne regardons au fond des yeux
si mon chemin est là où tu vas
emplir de lumière mes espaces absents
C’est que je t’aime tant
que ne saurais pas faire autrement…
Un hérault noir
Image cover © Emily Richardson 2008
(Still from the film Cobra Mist)
Design: Sandrine Duvillier.
Pour les habitués de ce blog qui apprécient les textes de l’auteur angolais José Mena Abrantes, je signale la parution de la revue bilingue The Black Herald, de Blandine Longre et Paul Stubb, où ils pourront retrouver deux des textes de cet écrivain dans leur version originale et leur traduction française.
Comme on peut le voir, le bilan de ces transmutations régulières était franchement positif et leur conférait même le statut littéraire (qu’ils ignoraient bien évidemment) d’êtres d’une insoutenable légèreté. Pour eux, pourtant, rien n’avait plus de valeur dans cette périodique abstraction d’eux-mêmes que la garantie illimitée de pouvoir rendre plus dense le bleu du ciel, d’influencer l’effilochage des nuages ou de réguler la circulation des brises qui leur rendaient le secret orgueil de jouer enfin un rôle irremplaçable dans la construction de la beauté et de l’éclat de ce monde si merveilleux qui est le nôtre.
(Extrait de « Brises »)
la passion
Rui Veloso, A Paixão
Commentaires :
- La traduction est un peu mal faite, mais bon boulot quand même… c’est l’intention qui compte
- Pour faire une traduction il faut adapter les mots et les phrases!
Sinon une traduction à la lettre de n’importe quelle langue serait impossible de construire une phrase compréhensible et avec un sens grammatical.
Nuit blanche
Dans un siècle passé, j’ai épié le temps
par la brèche de la nuit. Il y avait un mouchoir
où demeuraient les larmes
de la veille; il y avait un collier au cou
de la mémoire; il y avait un nœud serré
par les doigts du matin. Dans un siècle
passé j’ai parlé aux murs, entendant
les voix qui me répondaient depuis
l’autre côté. C’étaient des ombres qui
se réfugiaient au coin d’un corridor;
c’étaient des bras qui se levaient de
derrière les rideaux; c’étaient des ombres
penchées sur l’écho d’un sofa. Dans un
siècle passé j’ai essuyé la poussière des âges,
et j’ai vu les larmes sécher sur le mouchoir, le collier
tomber sur ta robe, le ruban qui se desserrait
par la force du désir, comme si les ombres
avaient disparu autour de toi,
et que les fleurs renaissaient de tes mains.
Nuno Júdice, A a Z, 16 mai 2007
Salut, Nègre !
Salut, Nègre ! […]
Les petits-enfants de tes métis de Blancs et de tes métis d’Indiens
et la quatrième et la cinquième génération de ton sang meurtri
tenteront d’effacer ta couleur !
Et les enfants de ces enfants, en effaçant ton tatouage exécré
n’effaceront pas de leurs âmes ton âme, Nègre !
Père-João, Mère-Noire, Fulô, Zumbi,
nègre fuyard, nègre captif, nègre rebelle,
nègre de Cabinda, nègre du Congo, nègre ioruba,
nègre envoyé au coton des Etats-Unis
à la canne du Brésil,
au joug, au collier de fer, à la cangue
de tous les maîtres du monde,
je comprends mieux encore ton blues,
à cette heure triste pour les Blancs, Nègre !
Salut, Nègre, Salut, Nègre !
Les Blancs qui te tuent se meurent d’ennui, Nègre !
[…]
Il ne suffit pas d’illuminer les nuits des Blancs avec tes airs de jazz,
tes danses et tes éclats de rire !
Salut, Nègre ! Le jour se lève !
Le jour se lève, ou c’est l’éclat de ton rire qui arrive ?
Salut, Nègre !
Salut, Nègre !
Jorge de Lima, (Nordeste), Poèmes Noirs, 1937.