Chant du verbe en quête de forme
L’arbre à palabres, huile de Catherine Scharbach
Je préside à tous les mensonges
ceux du ciel ceux de la terre depuis si longtemps
que même le temps ne s’en souvient pas Avant la mer
j’ai été vol Avant le sel j’ai été mer
et soif avant l’eau fraîche Avant le vers
la poésie Je suis avant Dieu et l’univers
Etant avant je n’ai jamais été hier
et prisonnier de tout jamais otage
même pas de moi-même car ma faim
n’a ni distance ni horizon ni fin
Si on me compte je suis innombrable
si on me chasse je suis invulnérable
Jamais debout et jamais en mesure
ma dimension est autre je suis le rythme
cosmique auquel battent toutes les galaxies
et qui fait fleurir les branches des acacias
Jamais prévu ni pensé Je ne suis pas volonté
Dans les lettres de prison on me lit liberté
pas la mienne la tienne la leur ou celle de tous
Je suis la liberté du désir Du désir des lotus
des oiseaux des fleuves des hommes et des femmes
de tout l’espace de toutes les choses et de tous les êtres
C’est pourquoi je préside à tous les mensonges
ceux du ciel ceux de la terre depuis si longtemps
que même le temps ne s’en souvient pas Je suis la raison
de toutes les défaites le coeur
de la souffrance les mains du désespoir
J’existe éternellement et je reste l’espoir
depuis le chaos et je chante la re-création du désir
dans sa liberté comme les lèvres dans le baiser
En moi tout recommence
grain par grain point par point morceau par morceau
main par main soleil par soleil seconde par seconde
Parce qu’avec moi recommence le monde
jusqu’à ce que tout soit ce que je ne vois pas
jusqu’à ce que le monde soit celui du désir
Teodomiro Alberto Azevedo Leite de Vasconcelos (Mozambique) , 1944-1997, « Canto do Verbo em Busca da Forma », Resumos, Insumos e dores emergentes, éd. AEMO, 1997