Lusopholie

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Archive pour la catégorie '- XIXème siècle'

Déclaration

Posté : 1 juillet, 2009 @ 9:10 dans - XIXème siècle, littérature et culture, Poesie | 7 commentaires »

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Almeida Garrett

Je ne t’aime pas, je te veux : l’amour vient de l’âme.
Et dans mon âme … c’est le calme,

Le calme … du tombeau.

Ah ! je ne t’aime pas, non.

 Je ne t'aime pas, je te veux : l'amour, c'est la vie.
Et la vie ... même pas sentie
Je la porte avec moi.
Ah ! je ne t'aime pas, non.
 *
Ah ! je ne t'aime pas, non ; et je te veux
D'un désir brutal et sauvage
Qui me dévore le sang,
Sans parvenir au coeur.
 *
Je ne t'aime pas. Tu es belle; et je ne t'aime pas, ô belle.
Qui aime l'étoile funeste
Qui l'appelle à l'heure mauvaise
De sa perdition ?
 *
Et je te veux, je ne t'aime pas, elle est forcée,
Par un sort habile et mauvais
Cette indigne fureur.
Mais oh ! Je ne t'aime pas, non.
*
Et je suis infâme, parce que je te veux; et j'ai
Tant d'épouvante pour moi-même
Et pour toi de peur et d'horreur...
Mais aimer !... Non, je ne t'aime pas, non.

 

 

Almeida Garrett (1799-1854),  Folhas Caídas, 1853 

 

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le fou du roi

Posté : 26 juin, 2009 @ 7:15 dans - XIXème siècle, littérature et culture | Pas de commentaires »

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Château de Guimarães

Le sort des armes et la vengeance de Dom Bibas avaient décidé de la destinée future du Portugal. Ce ne fut pas la première fois, ce ne sera pas non plus la dernière, qu’une bataille ou un vieil entêté influent sur l’existence ou la non-existence, la façon d’être ou de ne pas être de ces corps moraux appelés nations, qui malgré leur individualité, en théorie idéale et abstraite, paraissent tout de même des corps physiques, par leur manque de volonté et d’intelligence.
Une féroce bataille avait eu lieu dans la campagne de São Mamede, à côté de Guimarães, où l’armée de l’infant avait affronté celle de sa mère et du comte de Trava. Après un grand conflit, Afonso Henriques avait triomphé, et Dona Teresa s’était vue obligée de fuir avec l’orgueilleux étranger, et d’aller s’enfermer dans le château de Lanhoso, à deux lieues de distance de l’endroit du combat.
Mais pourquoi les vaincus n’ont-ils pas cherché à s’abriter dans les murs et les tours solides du château de Guimarães ? C’est ce que l’Histoire ne nous dit pas. Peu importe : nous le disons, nous. L’histoire n’a pas connu Dom Bibas, et Dom Bibas, c’est dans le secret le plus total que nous ne révélons ici au lecteur, nous donne la clé de ce mystère. Le bouffon avait rendu impossible un tel arbitrage, et peut-être avait-il aidé à faire descendre du ciel la bénédiction qui protégea les armes de Afonso Henriques.
Celui-ci n’avait oublié ni pourquoi ni comment le courageux seigneur da Maia avait échappé aux griffes du noble tigre de Galice. La lance dressée de Gonçalo Mendes n’avait pas reluit au soleil de la lutte. Pourtant, alors que l’engagement était le plus ardent, plusieurs arbalétriers, qu’on voyait au loin emplissant les chemins de ronde et les airées des murailles et des tours du redoutable château, commencèrent à vaciller et à courir d’un côté à l’autre, et peu de temps après, certains, en tombant entre les créneaux, firent éclabousser les eaux bourbeuses et verdâtres des douves. Les habitants du bourg, accourant pour découvrir la cause du terrible spectacle auquel ils assistaient, entendirent se mêler sur la hauteur les acclamations destinées à l’infant et les cris et gémissements de ceux qui mouraient. Le pont-levis s’ouvrit alors, et les bourgeois qui regardaient les murs les virent de nouveau peuplés d’hommes d’armes, au lieu d’arbalétriers, et la bannière d’Afonso Henriques fut hissée sur le donjon.

Alexandre Herculano, O Bobo, (Biblioteca Ulisseia), première édition 1878.

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Conseil

Posté : 16 juin, 2009 @ 8:05 dans - XIXème siècle, littérature et culture, Poesie | 2 commentaires »

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Sortie du port, toile d’Isabelle Szlachta

Pêcheur à la barque belle,
Où vas-tu pêcher sur elle,
Elle est si belle,
Naïf pêcheur ?

Vois que la dernière étoile
Au ciel nuageux se voile !
Ferle la voile,
Naïf pêcheur !

Jette ta ligne sans zèle,
Car la sirène chante, belle …
Mais pas de zèle,
Naïf pêcheur!

Ne t’attrape pas dans sa toile,
Ou tu perds les rames et la voile
Rien qu’à la voir,
Naïf pêcheur.

Pêcheur à la barque belle,
Tu peux encore fuir loin d’elle
A tire d’aile,
Naïf pêcheur !

Garrett, Folhas Caidas, 1853

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Alcácer Quibir

Posté : 16 avril, 2009 @ 7:12 dans - XIXème siècle, littérature et culture | Pas de commentaires »

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Portrait de Dom Sebastião

 

Dom Sebastião emportait à bord la couronne d’or impériale, qu’il devrait mettre sur sa tête, après être entré dans Fez ; il emportait les uniformes et les hallebardes de sa garde d’honneur, pour la cérémonie du couronnement ; et le prêcheur Fernão da Silva emportait son sermon déjà composé et appris par cœur pour la solennelle occasion.
Cette « merveille fatale de notre ère » qui était née dans un berceau entouré de fantômes, marchait vers la guerre au milieu d’un cortège de présages funèbres. Une comète était apparue, et on disait que Pedro Nunes, l’astrologue, avait fait des prophéties. Un poisson s’était échoué sur la plage, qui avait sur un flanc une croix entre deux fouets, emblèmes de la passion du Rédempteur, et sur l’autre la date de 1578. On entendait des voix en plusieurs endroits. Dans le Minho, on avait vu dans le ciel un combat de chevaliers. Dom João III, sous forme de fantôme, était apparu à Luís de Moura, annonçant des morts. Vasco da Silveira, le capitaine de l’armée, avait entendu une voix lui dire « Hélas ! » et assurait que le roi avait voulu la voir et l’entendre, et que l’âme avait grandi, couleur de nuit, disant d’un ton dolent : « Je pleure pour moi ! je pleure pour toi ! je pleure pour tous ceux qui s’en vont !… » Mais, malgré la terreur ou peut-être à cause d’elle ceux qui partaient s’abandonnaient encore davantage à une orgie de luxe et de plaisir. Aimer, jouer, boire, tels étaient les moyens de fuir les visions épouvantables de l’effroi. En mer, la fête avait continué. Ils s’étaient reposés à Cadix, où ils étaient restés six jours à regarder des taureaux ; et, arrivés en Afrique, on débattit du plan de campagne au conseil. Les capitaines, prudents et expérimentés, proposaient de ne pas quitter la côte, de coopérer avec la flotte, en s’appuyant sur les places fortes portugaises de Tanger et d’Arzila, qui déjà du temps de Dom Sebastião étaient redevenues chrétiennes. Le roi s’opposa formellement à ce plan ; il voulait pénétrer au Maroc, vaincre l’ennemi sur ses terres et, en une carrière éclatante, aller à Fez se faire couronner empereur. Sa témérité était si grande qu’il vint à l’idée de certains de l’enfermer. Mais il était déjà trop tard, et les capitaines du tiers de ces aventuriers, ce groupe d’étudiants écervelés qui étaient d’accord avec Dom Sebastião, faisaient pleuvoir les railleries sur les plus prudents. Beaucoup voyaient là une fatale perdition, mais rares, si ce n’est aucun, étaient ceux qui se risquaient à parler. Comme le duc d’Aveiro, avec son autorité de grand du royaume, insistait encore, le roi lui dit que, s’il ne voulait pas se battre, il n’avait qu’à rester à bord. « Tout a été la faute d’erreurs commises par un seul homme. » Il y avait encore autre chose qui faisait que les hommes doutaient du succès de l’entreprise ; c’était l’impiété des plus jeunes. Ils avaient pour Dieu un grand mépris et plastronnaient contre le bon sens et l’expérience. On ne disait pas de messe dans le camp, il n’y avait pas même de « prière commune, comme on a coutume de le faire : il n’y eut que des jeux de dés, de qui perd gagne, des points d’honneur, des serments, et de la malhonnêteté.  » Dans les débris du champ de bataille, après la défaite, on trouva dix mille guitares.

Oliveira Martins, História de Portugal, 1879-1884

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João Cutileiro, Monumento a D. Sebastião, Marbre, 1972, Lagos.

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la mouche bleue

Posté : 20 mars, 2009 @ 8:00 dans - XIXème siècle, littérature et culture, Poesie | 8 commentaires »

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C’était une mouche bleue aux ailes d’or et de grenat
Fille de Chine ou d’Hindoustan
Qui entre les feuilles est sortie d’un cœur de rose incarnat

Par une nuit de printemps.

Elle bourdonnait en volant, en volant elle bourdonnait,
Brillant au soleil dans son vol,
Et sous la lune – elle brillait plus fort que ne luirait

Un diamant du Grand Mogol.

Un triste paria qui l’a vue, trouvant cela peu ordinaire,
Un paria lui a demandé :
« Mouche, dis, ce brillant, qui ressemble à une chimère,
Dis, qui donc te l’a enseigné ? »

Alors elle, tout en virevoltant et voletant sans cesse :
- Je suis la vie, je suis la fleur
Des grâces, dit-elle, l’idéal de l’éternelle jeunesse,
Et aussi la gloire, et l’amour.

Alors lui, tendant sa main calleuse et rude, la touche
De ses gros doigts de charpentier ;
D’un geste vif, il attrape la lumineuse mouche,
Très curieux de l’examiner.

Il voulait voir, voulait savoir la cause de la magie
La tenant captive, il sourit,
Content, s’imaginant qu’il tenait le secret de la vie
Et chez lui il est reparti.

En toute hâte il arrive, examine, et on dirait
Qu’il s’adonne à l’occupation
Minutieusement, comme un homme qui voudrait
Disséquer sa propre illusion.

Il la dissèque, à tel point, et avec un tel art, qu’elle,
Terne, répugnante et vile,
A succombé ; et avec ça s’est évanouie celle
Qu’il vit fantastique et subtile.

Lors, quand il passe, l’aloès et la cardamome
Dans la tête, l’air joyeux,
On dit qu’il est devenu fou, et ne sait comme
Il a perdu sa mouche bleue.

Joaquim Maria Machado de Assis (Rio de Janeiro) As Occidentais, 1880

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Chant de mort

Posté : 27 janvier, 2009 @ 9:00 dans - XIXème siècle, littérature et culture, Poesie | 6 commentaires »

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Guerrier Tupi

Mon chant de mort,
Guerriers, le voici:
Je suis fils de la selve,
C’est là que j’ai grandi;
Guerriers, je descends
De la tribu Tupi.

De la tribu grande,
Que le mauvais sort
A rendue errante,
Guerriers, je naquis;
Je suis brave, et fort,
Je suis fils du Nord;
Mon chant de mort,
Guerriers, le voici.

 

Meu canto de morte,
Guerreiros, ouvi:
Sou filho das selvas,
Nas selvas cresci;
Guerreiros, descendo
Da tribo tupi.

Da tribo pujante,
Que agora anda errante
Por fado inconstante,
Guerreiros, nasci;
Sou bravo, sou forte,
Sou filho do Norte;
Meu canto de morte,
Guerreiros, ouvi.

Antônio Gonçalves Dias (Maranhâo), 1823-1864.

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Fils d’un commerçant portugais et d’une cafusa, métisse de Noir et d’Indien, Gonçalves Dias réunissait en lui les trois ethnies qui ont formé la base de la population brésilienne.

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Jean Baptiste Debret

Posté : 24 juin, 2008 @ 6:21 dans - XIXème siècle, littérature et culture | 3 commentaires »

 

Jean Baptiste Debret dans - XIXème siècle j_b_de10Jean-Baptiste Debret est né en 1768 et mort en 1848 à Paris.
Après la chute de l’Empire, il accepta une proposition du roi du Portugal Jean VI en exil au Brésil, et fit partie d’une mission venue rejoindre la cour, chargé, avec d’autres artistes français, de fonder une Académie des Arts pour le jeune empire que les Portugais venaient d’instaurer. Il est l’auteur d’un Voyage Pittoresque et Historique au Brésil, ou il fait part de ses observations sur les coutumes du pays.
Très vite fasciné par toutes les facettes de la société brésilienne, que ce soit la vie privée des riches commerçants, les us et coutumes de la population Carioca ou la condition misérable des esclaves noirs, qu’il rendit d’un trait incisif dans des aquarelles fourmillant de détails révélateurs.
Ces aquarelles illustrèrent son « Voyage pittoresque et historique au Brésil », qu’il publia à son retour en France de 1834 à 1839.

jean_b10 dans littérature et culture

Famille d’un Chef Camacan se préparant pour une fête

 


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Capoeira sur l’île d’Itaparica

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Les moissonneurs

Posté : 26 mars, 2007 @ 8:58 dans - XIXème siècle, littérature et culture | 2 commentaires »

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Azulejos à Santarém, Av. José Saramago (photo CL)

Dix, onze heures… le thermomètre est monté à 48 puis à 5O °, et le crissement des cigales, présage de l’heure terrible de midi, au début clairsemé, se multiplie à présent en un unisson de millions de cris éraillés… Ces bruits forment un claquement aigu à travers la campagne, semblable non à des voix d’insectes, mais à une supplique générale de la terre dévorée par le soleil féroce. Ils viennent de tous les points de l’horizon et s’ajoutent en chemin à ceux qu’ils rencontrent, enflent dans l’air, trépident, deviennent cent fois plus furieux et résonnants, vont, viennent, ondulent, se généralisent, assourdissants, constants, hallucinants, tantôt comme des pleurs, tantôt comme des flatteries, ou comme des coups de fouets ; et chaque fois que le soleil ouvre la gueule pour éteindre la vie et recroqueviller les feuilles des arbres, ce flux maudit provoque avec sa pulsation de folie le délire du cerveau, la fièvre du pouls et le halètement désespéré de la poitrine en quête d’air.
Dès ce moment, la vie physiologique normale du moissonneur devient impossible, et se change en une torture d’où, à force d’obstination, la résistance vitale produit, en plein travail, des hallucinations des sens et des syncopes. Sous la flamme directe et intolérable du soleil, l’ombre s’est perdue, mais la chaleur ne vient pas que du soleil, concentrée, suffocante, en braise vive : elle irradie de toute chose, aveugle, éblouit, s’exhale de tout, comme si en tout se trouvait un feu direct, incandescent. Toucher un outil de métal, une pierre, une racine, une tige, c’est pousser un cri de douleur à l’horrible brûlure provoquée par le contact.

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