Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

Les moissonneurs

Classé dans : - XIXème siècle,littérature et culture — 26 mars, 2007 @ 8:58

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Azulejos à Santarém, Av. José Saramago (photo CL)

Dix, onze heures… le thermomètre est monté à 48 puis à 5O °, et le crissement des cigales, présage de l’heure terrible de midi, au début clairsemé, se multiplie à présent en un unisson de millions de cris éraillés… Ces bruits forment un claquement aigu à travers la campagne, semblable non à des voix d’insectes, mais à une supplique générale de la terre dévorée par le soleil féroce. Ils viennent de tous les points de l’horizon et s’ajoutent en chemin à ceux qu’ils rencontrent, enflent dans l’air, trépident, deviennent cent fois plus furieux et résonnants, vont, viennent, ondulent, se généralisent, assourdissants, constants, hallucinants, tantôt comme des pleurs, tantôt comme des flatteries, ou comme des coups de fouets ; et chaque fois que le soleil ouvre la gueule pour éteindre la vie et recroqueviller les feuilles des arbres, ce flux maudit provoque avec sa pulsation de folie le délire du cerveau, la fièvre du pouls et le halètement désespéré de la poitrine en quête d’air.
Dès ce moment, la vie physiologique normale du moissonneur devient impossible, et se change en une torture d’où, à force d’obstination, la résistance vitale produit, en plein travail, des hallucinations des sens et des syncopes. Sous la flamme directe et intolérable du soleil, l’ombre s’est perdue, mais la chaleur ne vient pas que du soleil, concentrée, suffocante, en braise vive : elle irradie de toute chose, aveugle, éblouit, s’exhale de tout, comme si en tout se trouvait un feu direct, incandescent. Toucher un outil de métal, une pierre, une racine, une tige, c’est pousser un cri de douleur à l’horrible brûlure provoquée par le contact.

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monogamie

Classé dans : - époque contemporaine,littérature et culture — 24 mars, 2007 @ 7:25

imbundeiro

Imbondeiro, baobab typique de l’Angola, originaire de la forêt du Mayombe

1

Des jambes d’imbondeiro, des jambes d’imbondeiro. En vérité (je me rappelle), j’ai vu d’abord ton sourire gloutonnement beau, immense comme un énorme soleil incitant au péché, allégresse impudique, et, pourtant, ingénue, pur désir, illuminé par la fraîcheur humide de ta bouche vermeille rehaussée par tes dents, d’où jaillissait, comme une violente explosion, un rire de gorge libidineux ; cependant, ce que, avant tout, mes mains se sont vues obligées de toucher, mues par une impulsion soit magique, soit atavique, je ne sais pas, ce sont tes jambes : lisses comme un rêve, mais compactes (ce qui m’a causé une angoissante sensation d’abondance). Encore des souvenirs : comme si j’étais un dieu, j’ai enfilé mes mains sous ta robe, j’ai caressé de façon prolongée tes cuisses épaisses et fortes, je les ai palpées, je les ai pincées, jusqu’à en perdre la notion du temps ; l’émotion avec laquelle, dans des occasions postérieures, je t’ai appelée ma petite pute ou ma petite vache, m’a fait murmurer : des jambes d’imbondeiro, des jambes d’imbondeiro (triomphante, tu as souri, avant d’ouvrir complètement les jambes, pour faciliter l’opération ; je sentais mes mains qui plongeaient, étonnées, dans tes racines). Deux ans après, nous étions mariés.
[...]

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Promenade

Classé dans : - époque contemporaine,littérature et culture — 21 mars, 2007 @ 6:06

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Images d’Angola

… au lieu du corps de Miguel (« Un amant à ta disposition », comme il disait souvent autrefois), rien que le vide et un tremblement inexplicable dans les draps, comme un avertissement.
Lorsqu’elle s’était réveillée pour s’apercevoir que, finalement, ce n’était pas un cauchemar, Umbelina, médecin pédiatre fraîchement rentrée de Cuba, avait décidé : « Je vais suivre le conseil de tante Francisca. »
Laquelle lui avait dit un jour, après avoir entendu les plaintes de sa nièce unique au sujet du comportement de son mari (« Il continue à voir Tina… qu’est-ce que je vais faire ? ») : « Je te l’ai déjà dit plusieurs fois : allons chez le quimbanda… » J’en connais un en qui on peut avoir confiance, ce n’est pas un de ces charlatans qu’on voit maintenant, il ne veut pas d’argent, juste une poule, ou un carafon de vin…. Allons-y, Umbelina ! »
Umbelina n’avait pas voulu. « Ma tante, voyons ! », avait-elle dit en riant. « Il faut dépasser ces idées de sorcellerie, de quimbandas… Ce sont des idées anciennes, ma tante ! La révolution… » (La vieille avait émis un sifflement de mépris, telle un serpent qui crache, pour couper court au sermon qu’Umbelina avait entamé. « Bon », avait pensé la nièce, « ce n’est pas la peine d’insister : à son âge, comment pourrait-elle changer d’avis ? Ce qui importe c’est qu’elle me comprenne, qu’elle veuille m’aider… »)

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Portugal, tour d’horizon

Classé dans : vidéos documentaires — 20 mars, 2007 @ 11:39

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Clichés… mais aussi pas mal de vérité, des clins d’oeils, on sourit souvent. Et les pasteis de nata font saliver. La recette se trouve sur le blog « Regards sur le Portugal » (en lien)

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Lagos, passé et présent

Classé dans : musique et chansons,vidéos documentaires — 20 mars, 2007 @ 9:57

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Dulce Pontes chante Mar português, poème de Fernando Pessoa, et la Chanson de la mer

En face du fort, le « marché aux esclaves », qui était en fait le bâtiment où on enregistrait ses « achats » et où on payait ses taxes :

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On voit passer D. Sebastião, statue de João Cutileiro, et dans le port, à la fin du film, la caravelle Boa Esperança, réplique des caravelles à deux mâts qui ont emmené les navigateurs vers le nouveau monde.

boaesperanca.jpg

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l’attaque

Classé dans : - époque contemporaine,littérature et culture — 17 mars, 2007 @ 8:48

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Il fait encore sombre et il n’y a aucune raison pour une vigilance particulière. Zumbo dort, de même que tous les villages, hameaux et cases éparses qui se trouvent aux alentours. Il n’y a pas de meilleur signal que les aboiements des chiens, les piaillements des oiseaux et les cris des gens (nous avons vu auparavant comment ces mêmes cris avaient prévenu de l’arrivée de Leónidas, en pirogue, les bras et les jambes formant une croix, longtemps avant son arrivée effective à l’embarcadère). Mais aujourd’hui les chiens sont enroulés sur eux-mêmes, près de la cendre des feux, gênés par le froid qui s’obstine à revenir la nuit bien qu’on soit en octobre. Les oiseaux aussi sont muets, ainsi que les hommes et les femmes, les enfants et les vieillards.
Et c’est exactement à cette frontière, quand la nuit s’évanouit et que le jour prend des forces, que fait irruption et s’abat, terrible, le m’fiti.

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Taiguara, Zumbi

Classé dans : - époque contemporaine,littérature et culture,musique et chansons — 14 mars, 2007 @ 11:45

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Taiguara, La Révolte du Borel (quartier de Rio)

Il existe un peuple qui prête le drapeau
Pour couvrir une telle lâcheté et infamie,
La fureur du poète cria ainsi la douleur
De l’esclave noir qui souffrait tant

Et aujourd’hui,se souvenant de Castro Alves,
Le peuple danse la samba et traverse les mers
Et nous renvoie un chant afro-bantou …
la lutte qui est née avec Zumbi dos Palmares

Oiá, salut, Zumbi… courageux frère
Tu as donné ta propre vie pour ne pas trahir
Ceux qui, là-bas au Quilombo,
Ont tapé sur tes épaules un authentique « congo » (
danse africaine)
mort oui !
esclave non !
On chante ta mémoire à la Ferme du Ciel
La voix des employés est celle du Borel

Allez, paume, paume paume…
Allez, pied, pied, pied…
Tourne, tourne, tourne, petite
Tu es venue de Guinée
Mais tu existes…

(Voir l’article précédent, « Palmares, quilombo », et aussi « Le navire Négrier », poème de Castro Alves)

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encore des visites

Classé dans : - époque contemporaine,littérature et culture — 2 mars, 2007 @ 12:19

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Charlie Chaplin dans Le Dictateur

(L’écrivain Lourival a déjà été surpris de voir arriver chez lui, successivement, Alexandre le Grand, Jules César et Napoléon… )

Quand la porte d’entrée fut poussée avec une violence inutile, personne ne regarda, sauf Lourival qui, malgré tout, était le maître de maison.

Avec sa mèche tombant sur le sourcil, rabougri et tête nue, mais encore reconnaissable, pour le moins à sa minuscule moustache et la swastika qui se détachait sur le brassard rouge qui entourait sa manche, Adolf entra, brandissant le bras.
- Sieg Heil, dit automatiquement Lourival les mains en avant pour prévenir un quelconque dommage imprévu.
Dehors l’orage était arrivé de manière subite et agressive, rayant de zigzags le soleil qui disparaissait. Vibrant de coups de tonnerre prolongés.
Adolf avait commencé à parler, incompréhensible comme toujours.
Alors, pour la première fois, la porte arrière qui donnait sur la cuisine s’ouvrit.
Tout le monde se tut.
La voix monocorde, fatiguée et geignarde affirma, avant que son propriétaire fût entré dans la pièce :
- Nous devons nous souvenir que nous sommes un pays de gens humbles. Nous devons savoir que la patrie nous oblige à vivre la charrue dans une main et l’épée dans l’autre ; et avec économie…
(1)
Lourival ne voulut pas en entendre davantage, il ne regarda même pas. Il ne pouvait déjà plus supporter de savoir qui c’était, celui-là. Il se dirigea d’un bond vers la porte de devant, qui était toujours ouverte.
Dehors la pluie avait cessé. Le tonnerre aussi. Il n’y avait qu’une lumière vague et inutile qui enveloppait la maison. Et le cri inattendu d’une chouette.
Il regarda autour de lui, pour voir s’il n’y avait pas là un paysan quelconque, les mains dans les poches et l’œil bovin. Il n’y en avait pas. Il sortit et courut discrètement jusqu’à la cour, à l’arrière, où était garée la vieille Fiat toujours opportune.
Le soleil avait disparu et les choses paraissaient plongées dans une pénombre oscillante.
Lourival monta dans la voiture, mit le moteur en marche et appuya sur l’accélérateur, démarrant brutalement. La petite voiture roula, Lourival à son bord, sur le sentier, jusqu’à la route principale.
Lourival freina alors, mit la tête à la portière et jeta un dernier regard à la pauvre maisonnette qui, là en haut, continuait à exister.
Au milieu de l’obscurité croissante la maison se détachait sur un nuage rougeâtre et insensé qui l’enveloppait comme une sphère fluide.
Il rentra la tête. Et mit le pied sur le champignon. Le plus fort possible.

Mario-Henrique Leiria, « Regressos« , Novos contos do Gin, 1974

(1) C’est Salazar qui parle

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