Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

Synonymes

Classé dans : - époque contemporaine,littérature et culture — 8 décembre, 2006 @ 3:43

 

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(alexandre)

 

 

La première fois que le mot arabe a été écrit – ou plus précisément inscrit – ce fut pour désigner un nomade monté sur un chameau; c’était en 853 avant Jésus-Christ, quand Jundub et plus de mille chameliers s’unirent à Israël et Aram contre les armées assyriennes.
Les historiens ignorent qui fut exactement ce Jundub et quelle est l’origine des redoutables Arabes; les Juifs les considèrent comme des descendants d’Ismaël, aîné d’Abraham et frère d’Isaac. Grecs et Phéniciens tombaient d’accord pour dire qu’ils étaient les fils de Cadmos. Les Égyptiens : qu’ils germèrent des sables éclaboussés par le sperme d’Osiris. Les Perses : qu’ils étaient les excréments d’Ahriman.
Pour les Arabes, se définit comme arabe celui qui possède l’arabe comme langue maternelle. En vertu de ce principe, ceux-ci forment un peuple unique bien que divisé en centaines de tribus et en lignages d’arabes purs et impurs qui ne descendent pas nécessairement d’un ancêtre commun.
Pour les Arabes de l’Âge de l’Ignorance, les tribus issues des douze fils d’Ismaël n’étaient pas arabes au sens strict du terme. Elles avaient été arabisées par les véritables Arabes, originaires du Yémen, de qui ils tenaient la langue et dont ils avaient adopté les coutumes.
Les légendes parlent d’un certain Yarub qui fut le premier à occuper les montagnes du sud et le premier à faire transhumer des troupeaux de chèvres, à faire brûler de l’encens et à préparer l’infusion que nous appelons café.

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Angoisse

Classé dans : - époque contemporaine,littérature et culture — 8 décembre, 2006 @ 2:12

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- Tout le monde a ses secrets, disait grand-mère Gertrude.
Et ils la croyaient, parce qu’ils étaient ses petits-enfants et qu’on voyait clairement qu’elle devait en avoir beaucoup. Elle savait des bénédictions, elle prononçait des mots que personne d’autre ne connaissait, et, surtout, elle penchait la tête sur son propre sein obscur où défilait la lente broderie, en silence, lorsque les questions étaient très importantes. C’était ce geste de pythonisse en refus qui faisait que ses petits-enfants lui attribuaient le plus haut degré de respect. Ils savaient peu de chose d’elle, les enfants. Et les parents aussi se taisaient. Surtout quand la curiosité était dirigée vers le grand-père mort. Il restait de lui un portrait primitif, en noir et blanc, recouvert d’une vitre perpétuellement empoussiérée. De temps à autre, la vieille – principalement l’hiver – se levait et crachait dessus.
- C’est sale, disait-elle.
Puis, en tirant sur la manche noire de sa veste tricotée, elle essuyait sa propre salive et la poussière qui s’était accrochée au cadre.
C’est pour toutes ces raisons que Manuella ne trouva pas étrange, lorsque elle entra subitement dans la maison d’à côté, que le voisin lui demande de se taire. Même si elle avait vu la voisine le crâne ouvert, sur le sol de la cuisine ; un morceau de pâte à pain encore chaud dans la main, et les yeux étonnés qui regardaient le plafond.
- Chhhhhhhhhut… lui dit-il, souriant, la hache encore à la main, levant son long doigt blanc vers ses lèvres – C’est un secret. Il ne faut pas le dire.
Elle ravala son cri et baissa la tête, en signe d’acquiescement, et jusqu’au jour où il avait pris congé de tout le monde chargé de messages et de bons vœux de rétablissement pour sa femme absente pour maladie, elle était restée silencieuse.
Ce ne fut que lorsqu’elle commença à rêver de la voisine morte et à imaginer qu’elle lui apparaissait pour de longues conversations, assise au pied du lit avec son crâne ouvert qui n’avait pas l’air de l’incommoder, que Manuella demanda à sa grand-mère :
- Mémé : les secrets, on les garde toujours ?
La vieille la regarda avec des yeux qui ne voyaient déjà plus les choses réelles et répondit :
- On garde toujours tout, ma fille. Même ce qu’on ne veut pas.
C’est ainsi que Manuella se tut, même si elle sentait ses pieds se glacer chaque fois qu’elle pensait voir un homme aux yeux clairs l’épier près de l’escalier de l’école, où deux sœurs vierges faisaient paître leur troupeau de petites filles.

Possidónio Cachapa, O mar por cima, Oficina do Livro, 2000.

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frères ennemis

Classé dans : - époque contemporaine,littérature et culture — 7 décembre, 2006 @ 2:25

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… Il est vrai enfin que, si entre le début de la construction de la tour et le jour où elle sera prête à recevoir l’horloge, je parviens à convaincre la majorité des habitants de le prier de ne pas l’installer, pour le bien de tous, il ne le fera pas. Voici en quoi consiste notre différend. Vous pouvez en parler et expliquer mes motifs et mes raisons, car il est sûr que le juge en fera autant en ce qui le concerne.
Voici que lentement, le faucon lève la tête.
- Mais ce litige entre vous ne pourra pas marquer la fin de votre amitié, frère ?
- Pas même dix villes comme celle-ci, ni dix désaccords pires que celui-ci, ni même la tour de babel tombée sur nous ne mettraient cette amitié en péril.
Matias aires demanda alors :
- Vous êtes vraiment convaincu que cette horloge est une semence de péché, frère Gil ?
- Ah, le péché… Sachez que je ne crois pas que l’homme naisse pécheur ou innocent. Il se contente de naître. Le péché et l’innocence se trouvent ensuite dans les cœurs, sur les visages et dans les œuvres de ceux qui l’entourent. Pour moi, cette horloge est surtout la semence d’une époque, d’un état d’esprit, et d’un monde qui éloigne davantage les hommes d’eux-mêmes et de dieu. Vous me comprenez ?
Le colporteur le comprenait tout à fait, mais laissez-moi vous dire que ni frère Gil ni Luís de Castro n’avaient besoin de la compréhension des gens. Ceux-ci les suivaient par respect naturel et par amour, tout comme d’autres suivaient frère goutte, mus par un mélange de foi et de terreur.
(Terreur récente, car il ne s’était passé que trente ans depuis que monseigneur le roi jean, troisième du nom, avait instauré au portugal le saint-office, avec ses sièges à lisbonne, coimbra et évora, couvrant ainsi chaque pouce de la nation. Terreur récente, mais qui augmentait d’année en année.)

Sérgio Luís de Carvalho, As horas de Monsaraz, Campo das letras, 1997

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Déception

Classé dans : - époque contemporaine,littérature et culture — 6 décembre, 2006 @ 10:13

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Noël, Terreiro do Paço, Lisbonne

la jolie jeune fille l’écoutait [...], elle tremblait de froid, ils entrèrent dans une avenue couverte de décorations de Noël, les troncs des arbres étaient entourés de petites lumières, les cimes d’étoiles, d’un côté à l’autre de l’avenue il y avait des anges énormes soufflant dans des trompes, c’en était effrayant tant de Noël, les vitrines des magasins étaient décorées de toutes les manières possibles, il y avait de la neige artificielle sur le sol des vitrines, la jolie jeune fille tremblait de froid malgré la grosse veste et les bottes de chamois clair qu’il lui avaient offertes, les employés d’un café tournaient en rond avec un sapin en plastique qui était tombé, le carton fourré de papier argenté avec des vœux de joyeux Noël et bonne année avait déversé toutes ses pièces de monnaie par terre, ils regardèrent vers le café et continuèrent à marcher, il ne lui lâchait pas la main, quand il ne la tenait pas enlacée à lui il serrait sa main très fort, il avait toujours peur qu’elle disparaisse, il avait mis tellement de temps à la trouver, la jolie jeune fille s’arrêta devant une vitrine.
- Tu veux quelque chose ? demanda-t-il anxieusement. Choisis ce que tu veux.
La jolie jeune fille était toujours indécise, il attendait impatiemment. Elle secoua la tête et dit qu’elle ne voulait rien, qu’elle était fatiguée et qu’elle voulait dormir un peu,

Dulce Maria Cardoso, Coeurs arrachés (Campo de Sangue) Phébus, 2005

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mystère

Classé dans : - époque contemporaine,littérature et culture — 4 décembre, 2006 @ 6:22

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- Si, tu vas voir, nous allons réussir à la restaurer. Tu sais ce qui est bizarre, pourtant, dans cette assiette ?
La question n’étant pas posée comme s’il s’agissait d’un examen, l’apprenti regarde l’assiette avec une aisance plus évidente. Et, après avoir observé, il découvre alors ce qui intrigue l’antiquaire, et qui l’intrigue lui aussi à présent. Alors il demande :
- Pourquoi est-ce que, contrairement à la norme générale, cette assiette a un visage peint au milieu ?

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Châtiment

Classé dans : - XVIIème/XVIIIème siècles,littérature et culture — 30 novembre, 2006 @ 6:10

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Antonio José da Silva, O Judeu

(1707-1736)

C’est alors qu’une des sorcières se leva et dit au Petit Diable :
- Je viens, moi, luciférien commissaire, de sucer le sang d’un enfant qui était baptisé depuis deux jours à peine et sans vie je l’ai laissé…
Ce à quoi le petit Diable, poussant un cri formidable et terrifiant, répondit en ces termes :
- O monstre indigne de ma faveur et du titre de sorcière, tu mériterais, pour avoir fait telle chose, que sans tarder je t’ensevelisse corps et âme au tréfonds de l’enfer et que tu n’y voies plus jamais la lumière du jour ! Ne valait-il pas mieux qu’avant qu’on eût baptisé cet enfant, tu lui ôtasses la vie, et qu’ainsi, bien qu’il fût sans péché, il ne pût jouir de la gloire éternelle que notre orgueil a perdue, et dont le regret nous torture et nous fait rechercher la perdition de toutes les créatures, pour qu’elles n’occupent les places que nous avons laissées ? Tu tues les innocents en grâce, ô Hérode en jupons, pour qu’ils aillent goûter à l’éternel bonheur ! N’était-il pas préférable que cet innocent vécût jusques à l’âge de pécher et que nous eussions part sur lui, au lieu de l’écarter de ce péril en lui ôtant la vie ?

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Justine

Classé dans : - époque contemporaine,littérature et culture — 30 novembre, 2006 @ 6:03

arbre2contrejour.jpg

Le matin je suis Justine. C’est elle qui se lève la première. Elle ouvre les yeux rapidement et je surgis éveillée rapidement aussi. A peine voit-elle un rayon de soleil, il n’y a plus de lit qui la maintienne dans le sommeil.
Elle se lève et a envie d’ouvrir les persiennes pour apporter tout le jour dans la chambre. Elle ne l’a jamais fait par respect pour mon fils. Mais c’est une pulsion violente, ça je le sens. Elle se lève, s’habille des vêtements auxquels la journée l’invite, les sortant négligemment de l’armoire. Elle regarde mon fils António, et je vois les yeux bleus de la femme où, comme plongé dans de l’eau limpide, je suis resté pendant son sommeil. Je le vois dormir, rêver, exister dans la prison de la nuit.
Justine sort de la chambre, entre dans la salle de bains. Elle la regard comme un souci, un exemple du jour qui viendra. Même si elle a nettoyé ces jours-ci les carreaux et le marbre, elle y voit une crasse qui finit toujours par être oubliée. Ou c’est que la nuit, avec son obscurité, rapporte celle qu’elle a frottée à l’éponge une fois ou l’autre.
Et elle en sort rapidement, attendant, là-dehors et accablée d’un autre souci, qu’António se réveille et qu’elle puisse, enfin, nettoyer avec l’air du matin ce que la nuit a souillé.
Tous les jours je me réveille de nuit, je me lève à l’aube. Bien que la lumière du jour soit déjà là, la première image que j’ai devant les yeux n’existe pas. Elle est obscure, fermée, noire. Je me réveille avec le soleil qui brille déjà là-dehors et le coeur dans l’obscurité.
Je me lève et je vais en tâtonnant jusqu’à la fenêtre. Je touche la persienne qui s’ouvre en un clin d’oeil et le soleil, qui se lève toujours avant moi, qui réveille mon corps de la nuit de la chambre, luit enfin au fond de l’image. Je sais qu’un jour ils construiront des immeubles devant la maison. Je sais qu’un jour il faudra que je cherche un autre endroit où je puisse me réveiller avec le soleil au fond de l’image.

Jorge Reis Sá, Todos os dias, Dom Quixote, 2006

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Certitude

Classé dans : - époque contemporaine,littérature et culture,Poesie — 23 novembre, 2006 @ 12:22

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Ne me demande pas de sourires
je transpire encore
les cris
des blessés dans les batailles.

N’exige pas de moi des gloires
je suis le soldat inconnu
de l’Humanité.

Les honneurs
sont pour les généraux.

Ma gloire
c’est tout ce que je subis et ce que j’ai souffert
mes sourires
tout ce que j’ai pleuré.

Ni sourires, ni gloire.

Juste le visage dur
de qui construit la route
parce qu’il doit marcher
pierre après pierre
en terrain difficile.

Un visage triste
de tant d’effort gaspillé
- l’effort des tenailles
qui le soir sont fatiguées.

Une tête sans lauriers
parce je ne me suis pas trouvé
dans le catalogue
des gloires humaines.
Je ne me suis pas découvert dans la vie
et des selves défrichées
cachent les chemins
par où je dois passer.

Mais je les trouverai
et je les suivrai
quel qu’en soit le prix.

Alors
dans un nouveau catalogue
je te montrerai
mon visage
auréolé de palmes

Et j’aurai pour toi
les sourires que tu veux.

Agostinho Neto, Poemas de Angola, Codecri, Rio de Janeiro, 1976

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