Illusion
Le Prêtre Jean
- Bon, arrange-toi comme tu peux, on va tourner en extérieur et le temps est incertain, il faut que nous profitions de la journée de demain sans faute parce que la météo a promis qu’il ne pleuvrait pas.
L’un des acteurs, qui jouait le rôle de Gil Rodrigues et, coïncidence, s’appelait aussi Gil, demanda :
- Donc, demain je vais être beaucoup plus jeune, c’est le début de l’histoire, quand Gil est encore un jeune homme en route pour la France…
- Ne t‘en fais pas, dit Júlia, la maquilleuse va te rajeunir de vingt ans en moins d’une heure.
- Oui, confirma Orlando, grâce à la maquilleuse tu seras comme neuf, mais les couches de make-up ne suffisent pas. Il faut que tu te mentalises, il faut que tu prennes une nouvelle posture corporelle, une autre attitude. Dans la scène qu’on a tournée aujourd’hui tu étais un homme de quarante ans, qui vivait à Paris il y a très longtemps et déjà sur le déclin… n’oublie pas qu’au moyen âge quand on atteignait quarante ans, on entrait pratiquement dans la vieillesse ! Demain il va falloir que tu aies l’air d’un jeune homme de vingt ans, plein de vigueur et d’espoir, avec encore un monde d’illusion devant toi !
Jorge Namuli, l’acteur mozambicain qui jouait l’ « esclave Jusino », dit :
- Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi tu veux que moi, je garde le même aspect, que « mon maître » Gil ait quarante ans, ou vingt…
Le réalisateur réfléchit :
- Eh bien, à vrai dire tu incarnes une sorte de figure symbolique, tu sais bien, la légende parle d’ « esclave éthiopien »…
Jorge rit :
- Vraiment, je n’ai rien d’un Ethiopien, je suis de Nampula !
- Justement ! L’Ethiopie est le royaume mirifique de la reine de Saba et du mystérieux Prêtre Jean, tu es donc le « double caché » des projections animistes de ton maître Gil Rodrigues, de ses plus beaux rêves et de ses pires cauchemars, comme si tu étais à la fois un miroir et une conscience !
António de Macedo, As furtivas pegadas da serpente, Caminho, 2004