Lusopholie

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Palmares, quilombo

Classé dans : - époque contemporaine,littérature et culture — 7 mars, 2008 @ 7:39

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Groupe Nação Zumbi (Brésil)

Voir aussi plus haut « Noir en mouvement » (MV BILL); on y entend : »Zumbi vive », Zumbi est vivant…

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Zumbi de Palmares

1695. Le vieux nègre au cheveu blanc fume sa pipe, appuyé contre un mur de pierre. Il fume et regarde les petits Noirs qui courent sur le terrain se faire réprimander par leurs mères. Il fume et se souvient… « Il y a déjà cent ans que fut fondé Palmares. La sagesse d’Exu, la force d’Ogún et la ruse d’ Oxosse nous font vivre… Et nos frères continuent d’arriver…  » Comme il y a cent ans, cinquante ans ou vingt ans, hier plusieurs noirs sont encore arrivés à Palmares… Ils y viennent car ils veulent devenir des êtres humains.

« Nous ne sommes pas des choses, nous avons notre histoire », ont-ils l’habitude de dire.

Ils fuient les mauvais traitements des plantations de canne a sucre qui s’étendent dans le Nordeste du Brésil. Terre du soleil brûlant : forêt, désert et montagnes.

Ils ne veulent pas laisser leur cœur et leur âme dans les moulins à sucre. Ils se font marrons et se dirigent vers les montagnes à la recherche de la liberté de cette nation noire communautaire constituée de six villes : Macacos qui est la capitale, Subupira, Dambrabanga, Obenga, Tabocas et Arotirene.

Chacune d’elle est dirigée par un chef et les assemblées populaires définissent la direction à prendre.

Ils cultivent le haricot, le maïs, le manioc et le tabac; ils élèvent des poules et des porcs.

La palme africaine qui couvre la montagne leur offre sa noblesse : les feuilles servent pour le toit, les murs et le lit; les fibres servent de matière pour le tissage de vêtements et de paniers; la pulpe du fruit sert d’aliment et la noix donne l’huile.

(Plusieurs expéditions portugaises et hollandaises n’arrivent pas à bout du quilombo…)

Un accord est trouvé : « Les sanctuaires de Palmares seront délogés. Tous ceux qui y sont nés sont déclarés libres. Ceux qui portent la marque du feu incandescent redeviennent la propriété privée de leurs maîtres « . Sur les 30000 habitant de Palmares, seuls 5000 acceptent l’accord.

« Le traître méritait la mort, ce grand diable Ganga Zumba », pense le vieux nègre, et ses yeux s’illuminent.

Zumbi, chef de Macacos et neveu de Ganga, n’accepte pas ce qu’il considère comme une trahison. « Je ne crois pas à la parole de mes ennemis qui ne se croient même pas entre eux », dit-il à ceux qui restent… « Dix sept ans ont passé, et la résistance tient. Zumbí continue d’appliquer la justice du feu dans les champs de canne à sucre », pense le vieux.

Et alors qu’il se souvient et se réjouit dans ses pensées, à Recife se prépare la plus grande expédition militaire dont on a souvenir.

Jorge Domingos, un métis qui avait été contracté par la couronne portugaise pour exterminer les indigènes rebelles dans le désert de Pernambouco et de Río Grande du Nord, exécuteur de sa besogne, est appelé pour détruire Palmares.

Terres, Noirs à vendre, ordres religieux et grades militaires sont les récompenses en jeu.

On vide les prisons et les pauvres de tous les recoins viennent grossir la plus grande armée qui ait jamais été formée au Brésil.

Dix mille hommes : Indiens, Noirs et Métis – les européens commandent mais ne luttent guère -, traversent la forêt et grimpent la montagne où se trouvent les fortifications des Noirs de Palmares.

Les coups de canon qui réussissent à détruire la triple muraille de bois et de pierre durent plusieurs jours. Après le combat corps à corps, les morts se comptent par milliers, d’autres en essayant de s’échapper glissent dans le précipice; il y en a aussi qui s’y jettent, préférant la mort à l’esclavage; très peu réussissent à s’enfuir…

Le vieux noir tombe les larmes aux yeux en demandant aux orixas de protéger Zumbí de l’acharnement ennemi…

De la côte, on peut voir la fumée qui surgit de la montagne tandis que les flammes ravagent Palmares. Le chef Zumbí a réussi à s’échapper et il s’engouffre dans la forêt et réunit ses frères.

Il y restera le temps de reconstruire les rêves… Une voix court parmi les esclaves, qui dit que « la mort ne peut toucher Zumbi »… Mais un jour, alors que le soleil est en train d’apparaître arrive un Noir dans la forêt, ami de Zumbi à Macacos.

Zumbi l’embrasse, le traître lui plante son poignard dans le dos. Les soldats lui coupent la tête et l’accrochent sur une lance.

Ils la portent à Recife pour l’exhiber sur la place: « Ils comprendront ainsi que Zumbí n’est pas immortel », crient-ils.

Le vent souffle très vite dans les ruines de Palmares. Le feu a tout ravagé… ceux qui ont vaincus pensent qu’avec Zumbí est morte la mémoire de Palmares… Et ils se trompent encore une fois, comme auparavant.

Les frères du chef disent que Zumbi continue de cheminer parmi les esprits et que parfois, il décide d’apparaître ici-bas.

Tant qu’un homme en exploitera un autre, il sera présent ici, parmi les palmiers, chantant le chant des labours, dansant au son des tambours, dirigeant son peuple entre le ciel et la terre… Les chefs des rebellions à venir continueront de s’appeler Zumbi…

Aujourd’hui, lorsque mille ou deux milles agriculteurs sans terre du Nord occupent une propriété ou envahissent un village des dépôts d’aliments, certains se souviennent de Zumbi.

Il est sur la route, descend dans les temples de candomblé, descend dans la rue et dirige les révoltes en fumant son charuto (cigare). Tant qu’un homme exploitera un autre homme, il continuera d’apparaître à travers les temps…

Kintto Lucas (Salto, Uruguay). Rebeliones Indígenas y Negras en América Latina 1ª edición, Abya Yala, 1992, 2ª edición, 1997, 3ª ed., 2000, 4ª ed. Quincenario Tintají, 2004

Extrait traduit de l’Espagnol par Guy Everard Mbarga

Pour en savoir plus: http://www.grioo.com/blogs/guyzoducamer/index.php/2006/07/16/1191-zumbi-marron-negre

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3 commentaires »

  1. bayelef dit :

    Triste page d’histoire que celle qui nous remet en mémoire que des hommes ont acheté et revendu d’autres hommes .
    Combien faut il avoir oublié son âme pour amener d’autres hommes à se sentir comme des animaux au point de fuir pour « devenir des hommes « ! Que Dieu pardonne à l’humain d’être son propre prédateur ! Et fasse que nos frères noirs ou indiens nous pardonnent un jour d’avoir été moins qu’eux en les torturant,les humiliant, en séparant des familles en les exploitant.Je suis blanche, noire rouge, jaune, chretienne, musulmane, bouddiste, indouhiste, je suis comme tous sur terre une enfant de DIEU.

    Dernière publication sur l'esprit des anges 2 : L' Amour est le lien que Dieu nous tend..........

  2. saudade dit :

    Tout à fait d’accord avec Bayelef, donc rien à rajouter. Saudade

  3. lusina dit :

    Tout à fait d’accord aussi, mais, pour reprendre une discussion du forum, regardons plutôt les aspects positifs, la culture, les artistes, les écrivains, les chanteurs, les musiciens… tous porte-paroles d’espoir.

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