malchance
Au lieu de la charmante épouse qu’il désirait avec ardeur, le major hérita d’une charmante belle-mère et d’une épouse laide entre eux deux.
Dégoûté, il en prit possession et repartit : puisqu’il ne pouvait être heureux, il voulait au moins être plus riche. Il retrouva le roi Chimarizene, son partenaire de tant d’affaires passées, plus vieux et plus édenté mais encore vif et hargneux, toujours aussi assoiffé d’eau de vie. Qui l’attendait avec sa fille laide pour la lui rendre. Ernestino n’était intéressé que par la reprise des affaires, de sorte qu’il accepta et vécut pendant trois ans dans cet arrangement avec deux femmes laides : Sá Amélia dans la maison, Alina Chimarizene dans sa paillote. Et si la dernière reconnaissait et respectait la première, venue de l’extérieur, avec des manières de femme presque blanche, Sá Amélia, en revanche, ne voulait même pas entendre parler de sa rivale, que le mépris et la jalousie rendaient encore plus laide qu’elle n’était en réalité.
Pauvre Sá Amélia ! Elle était toujours passée au second plan depuis son enfance, et le mariage prolongeait son infortune au lieu d’y mettre fin. « Tu veux dresser Chimarizene contre moi, femme ? » s’indignait son mari quand elle posait la question. « Tu veux nous voir dans la misère ? », exagérait-il, faisant du chantage. De sorte que la malheureuse posait à peine les yeux sur le major dans la journée, se résignant à partager ses nuits avec sa rivale. Il n’y avait pas d’autre solution.
Mais ce n’était pas seulement de cette humiliation que lui venait son malaise. Elle ne connaissait pas la langue qui était parlée, elle s’énervait après les domestiques. Elle était effrayée par le rugissement des fauves et le chant nocturne des travailleurs en transit, qui passaient la nuit dehors tout près de sa fenêtre. Elle ne distinguait pas l’un de l’autre. Habituée depuis toute petite à respirer l’air de la mer, à la vision panoramique qu’elle procure, là aussi elle cherchait une terrasse d’où elle pourrait voir plus loin à l’horizon. Mais pour son malheur, la mer était ici une forêt dense, une brousse oppressive et remplie de bruits étranges d’où semblait venir tout le mal !
João Paulo Borges Coelho (Mozambique) As visitas do Dr.Valdes, Caminho, 2004
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