Chien perdu
L’antiquaire regarde une fois de plus le corps couché à ses côtés. Et alors, lentement, sans faire le moindre bruit, il se lève, ramasse ses vêtements qu’il enfile sans allumer la moindre lumière, écrit trois lignes sur un papier qu’il laisse sur la table de la salle à manger et sort de chez Antónia vers les rues noires et obscures. Les lampadaires lointains éclairent les rues par où il passe, le bruit de ses propres pas l’accompagne dans sa marche, il entend quelque part des bruits auxquels il n’avait pas prêté attention dans la journée. Il ne regarde pas le restaurant en passant devant, il continue simplement, et les pas qui l’accompagnent sont plus rapides à présent, plus sûrs du chemin, plus décidés, plus proches de l’endroit où ils veulent arriver, plus près, car la boutique est par là, et déjà proche, de la rue suivante on la voit déjà. A la porte de la boutique, enroulé sur lui-même, sommeille un chien abandonné. Son corps tremble du froid qui tombe de la nuit et l’antiquaire, en le voyant ainsi, s’approche plus lentement. Le chien lève les yeux sur lui, son corps tremble toujours, l’antiquaire murmure des paroles de réconfort et lui tend une douce main ouverte. Le chien se lève, son corps tremble plus fort, ses yeux se détournent en une expression nette de peur, son corps se rétrécit à présent – plus qu’il ne tremble – et, enfin, le chien se met à courir dans la rue obscure, fuyant l’habitude et la peur qui le dominent à force d’être maltraité par tant de gens.
Sérgio Luís de Carvalho, Retrato de S. Jerónimo no seu estúdio, Campo das Letras, 2006