Lusopholie

Lettres, poésie et musique lusophones

Archive pour octobre, 2009

Sertão

Posté : 30 octobre, 2009 @ 10:02 dans vidéos documentaires | 4 commentaires »

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Extrait d’un documentaire de 20 minutes, présenté à Madrid, sur le sertão de l’état de Piauí

« Le « Poème du Sertão » reflète un peu la vie d’un village qui souffre des mêmes privations que la plupart de ceux qui vivent dans l’état de Piauí. Plaise à Dieu que Nossa Senhora de Nazaré en soit un miroir qui ne renvoie plus le reflet de la petite Eduarda, timide et à l’avenir incertain, mais la citoyenne à la vie plus digne qui espère des jours meilleurs, comme sa grand-mère, et tout bon Sertanejo.

(Oui, j’ai toujours espoir, à chaque jour qui passe notre espérance grandit, en ayant la foi un jour ça ira mieux.) »

Le Sertanejo est un type fort/ solide, et au cœur courageux,
Il n’a pas peur de la mort/et ne demande pas d’augmentation au patron.
Il vit tranquille, il a la foi / il vit pieds nus sur la terre
Il a l’affection de sa femme, il s’occupe bien de la plantation.
Il ne sait pas bien parler, mais il fait bien sa neuvaine
Il prie son Saint Benoît/ pour qu’il pleuve dans le Sertão.
S’il pleut, c’est un homme heureux/ riche de maïs et de haricots.
Il ne dit non à personne/ il assure le pain de la nation.
Il est quand même méprisé/ on le moque, on le raille
Il vit seul et abandonné/ accompagné de la désillusion.
Le Sertanejo parle doucement, personne n’y fait attention.
Il ne vit que d’espérance / car personne ne lui tend la main.

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Medecine

Posté : 28 octobre, 2009 @ 9:57 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

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Loïs Mailou Jones
Les Fétiches 1938

« Mã Fifas vous attend là-derrière », avait lâché un éclaireur, en ouvrant la porte, avant même de les saluer. Elles étaient entrées. Comme Umbelina l’avait imaginé, la pièce baignait dans une semi-obscurité jaunâtre ; la faible lumière de la lampe à pétrole suspendue dans un coin du plafond permettait à peine de distinguer les contours des rares meubles existants (si tant est que ces morceaux de bois grossiers pouvaient mériter cette appellation). Mais le gamin paraissait ne pas avoir besoin d’yeux pour voir. Marchant derrière lui et la tante Francisca, Umbelina sentait dans l’air une forte odeur d’ammoniaque. Elle avait eu envie de vomir, mais elle n’y était pas arrivée : elle avait tout ravalé, gardant un goût acide dans la bouche.
Premier choc du docteur Umbelina, quand elle avait vu mã Fifas, le sorcier : « Qu’est-ce que cet homme a dans le regard ? » Elle l’avait défini elle-même : « Une lumière douce… ses yeux irradient un calme étrange, presque assassin… » ce n’est qu’après cet instant initial qu’elle s’était aperçue qu’elle se trouvait dans une pièce peinte en bleu sombre, y compris le plafond (Umbelina avait pensé à une gangrène énorme et épouvantable), sans fenêtres et chichement meublée : deux nattes, une bassine émaillée vide et une caisse en carton, sur laquelle luisait timidement une bougie grossière.

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le traducteur et le peintre

Posté : 26 octobre, 2009 @ 9:42 dans - époque contemporaine, littérature et culture | 2 commentaires »

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Antonello da Messina, Saint-Jérôme en son étude

Après lui, qui se sait déjà très proche de sa mort, les hommes continueront à suivre les faiblesses de leur faible nature, ils la suivront toujours, bien après que son propre corps se sera à la fin changé en poussière, bien après que d’autres hommes, qui se prendront pour plus doctes que lui, l’auront déclaré Docteur de l’Eglise. Lui : Jérôme, Docteur de l’Eglise. Et, après que d’autres hommes, eux aussi considérés comme docteurs – réunis à Trente plus de mil et cent ans après sa mort, auront dit et assuré que sa Vulgate serait l’unique version autorisée des Ecritures. Si Jérôme savait tout cela, il sourirait de tout cela ; et il y aurait dans ce sourire plus d’amertume que d’orgueil car à présent, se sentant si proche de sa mort, Jérôme se demande si tout n’a pas été en vain, son ermitage et son travail et ses études et sa mission. Des hommes reste la faiblesse, du monde ne reste que le mal. Et de lui, Jérôme, il resterait l’effort et tout le reste oublié sur les étagères, preuve suffisante qu’à la fin, à la fin c’est à la poussière que tout repart et retourne. Et ainsi Jérôme se demande ce qui restera finalement de tout ce qu’il a été et de tout ce qu’il a fait ; et ainsi il se demande si cela a valu la peine de quitter le soleil de sa vieille Dalmatie, de sa vieille ville de Stridium et de courir le monde en mission, études, travail et ermitage. A la fin reste le monde, plus grand que lui, et restent tous les hommes que tous les jours il a voulu amender, et reste le mal détestable qu’il a toujours détesté. Mais à ce moment un rayon de soleil – le chaud soleil de Belém qui ne chauffe pas son vieux corps – s’élargit et touche son visage, et chauffe le chat alangui qui repose à ses côtés. Et Jérôme un instant ferme les yeux et sourit de cette caresse si légèrement donnée. Et Jérôme sourit de ce don ; et Jérôme voit alors, il voit alors bien en vérité, le soleil que lui montre la fenêtre, là dehors, les blanches tours des maisons des hommes en qui il n’aura jamais confiance. Et Jérôme, ouvrant un peu plus les yeux lentement, oublie les terres – qu’il se rappelle déjà mal – de Dalmatie et de Stridium si peu différentes de celles qu’il voit. Et Jérôme comprend alors combien piètre est son labeur ; il comprend qu’il restera, pour l’avenir, beaucoup plus ce qu’il a combattu que ce qu’il a souhaité pour la rédemption du monde; il comprend que tout est vain, que tout est vain, que le temps bientôt emportera son corps, et emportera, c’est certain, les feuilles qu’il a écrites.

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Cynismes

Posté : 25 octobre, 2009 @ 8:11 dans - XIXème siècle, littérature et culture, Poesie | 2 commentaires »

 

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*

Il faut que je vous parle lugubrement
De mon amour immense et massacré
Avec la lumière et la foi d’un croyant.

Je vais vous exposer mon torse décharné,
Vous appeler ma croix et mon calvaire,
Et être moins qu’un Judas empaillé.

Je vais vous révéler mon intime sanctuaire,
Vous dévoiler la vie, le monde, le plaisir,
Comme un vieux philosophe légendaire.

Je vais montrer, si triste et ténébreux,
Les fonds abyssaux de ma vie,
Et la regarder d’un air si nerveux,

Qu’enfin, elle devra se sentir obligée,
Pleine de douleur, tremblante, hallucinée,
Et qu’elle pleurera des larmes, très touchée !

Et alors, moi, je devrai éclater de rire.

Cesário Verde, O livro de Cesário Verde, édition posthume, 1887

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Contradiction

Posté : 23 octobre, 2009 @ 7:21 dans - époque contemporaine, littérature et culture, musique et chansons | Pas de commentaires »

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Mae Preta (Piratini et Caco Velho, Brésil) – Dulce Pontes

Peau ridée, cheveux blancs
Blouse de dentelle tombant sur la hanche
Elle balance le berceau du fils du Monsieur
Qu’il y a peu de temps la Madame a eu

C’était ce que faisait la Maman noire
elle élevait tous les Blancs avec joie
Alors que dans la senzala son homme était fouetté
Maman noire essuyait encore une larme

Maman noire, maman noire…

Pendant que le fouet s’abattait sur son amour
Maman noire berçait le fils blanc du Monsieur

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Version ancienne,  création de Maria da Conceição


Conseil judicieux

Posté : 22 octobre, 2009 @ 7:50 dans - moyen âge/ XVIème siècle, littérature et culture | Pas de commentaires »

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que non faledes ao voss’ amigo
sen mi, ai filha fremosa
E se vós, filha, meu amor queredes,
rogo vos eu que nunca lhi faledes
sen mi, ai filha fremosa
E al á i de que vos non guardades:
perdedes i de quanto lhi falades
sen mi, ai filha fremosa
Ma fille jolie, écoutez ce que je vous dis:
Ne parlez pas à votre ami
En mon absence, ma fille jolie.
Et, ma fille, si vous voulez mon amour,
Je vous prie de ne jamais lui parler
En mon absence, ma fille jolie.
Et vous devriez vous méfiez :
Chaque mot que vous lui dites est perdu
En mon absence, ma fille jolie.

 

 Bernardo de Bonaval, Galice, XIIIe siècle

 

La mort est de sortie

Posté : 21 octobre, 2009 @ 11:54 dans - époque contemporaine, littérature et culture, musique et chansons | Pas de commentaires »

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La mort est sortie dans la rue un jour comme ça
Dans ce lieu sans nom pour un but quelconque

Une goutte rouge tombe sur la chaussée
Et un ruisseau de sang coule d’une poitrine ouverte

Le vent qui souffle dans les cannes de la canneraie
Et la faux d’une moissonneuse du Portugal
Et le son de l’enclume comme un clairon dans le ciel
Vont annoncer partout que le Peintre est mort

Ton sang, Peintre, réclame une autre mort
Oeil pour oeil dent pour dent, il n’y a que ça de vrai

Pour la loi assassine, la mort qui t’a tué
Ton corps appartient à la terre qui t’a embrassé

Ici nous t’affirmons que dent pour dent, c’est vrai
Qu’un jour rira bien celui qui rira le dernier

Dans la courbe de la rue, il y a des tombes
Et sur toutes fleuriront les roses d’une nation

Le vent qui souffle dans les cannes de la canneraie
Et la faux d’une moissonneuse du Portugal
Et le son de l’enclume comme un clairon dans le ciel
Vont annoncer partout que le Peintre est mort

____________________________________

Paroles et musique de José Afonso

Chanson dédiée au peintre et sculpteur José Dias Coelho, abattu le 19 décembre 1961. Ce jour-là, à 8 heures du soir, cinq agents de la PIDE (police politique du régime salazariste) sortis d’une voiture l’ont poursuivi, encerclé et ont tiré deux fois. La première à bout portant en pleine poitrine, ce qui l’a fait tomber, et l’autre alors qu’il était déjà à terre. Puis ils sont repartis comme ils étaient venus, et ce n’est que deux heures plus tard, alors que le peintre expirait, qu’il a été transporté à l’hôpital. 

 

josdiascoelho.gif

José Dias Coelho

dimanche chez Maman

Posté : 20 octobre, 2009 @ 7:25 dans - époque contemporaine, littérature et culture | Pas de commentaires »

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Intérieur

Il avait passé une semaine à préparer cette visite et maintenant il était assis à côté de sa mère et n’avait pas le courage de regarder les tours que la nourriture faisait dans sa bouche, une pâte blanche qui l’écœurait et qui atterrissait de temps en temps dans son assiette quand son dentier se décrochait, à ce moment-là sa mère écartait la nourriture mastiquée et remettait avec dextérité son dentier en place, appuyait dessus avec sa langue et se remettait à manger, elle tournait et retournait les aliments dans sa bouche et ne s’occupait plus de la nourriture mastiquée au bord de son assiette, il avait la nausée, il détournait les yeux vers l’écran où le regard opaque de sa mère se perdait, les yeux vitreux de sa mère redoutaient les eaux argileuses du fleuve qui avaient pénétré dans une salle à manger, la pièce que montrait la télévision aurait pu être la sienne, le buffet et la cène du Christ pendue au mur étaient les mêmes, le journaliste annonça encore après un court intervalle que deux soldats avaient été tués, sa mère saisit la télécommande et changea de chaîne, il vit les mêmes eaux sur l’autre station de télévision, une école avec les bureaux empilés et un énorme atlas détrempé, le fleuve devrait regagner son lit mais ce monde resterait à jamais déformé, des enfants se rassemblaient à la sortie de l’école et jouaient avec l’eau qui envahissait leur avenir, sa mère rechangea de chaîne parce qu’elle n’aimait pas les nouvelles répétées, ils disent tous la même chose, sur l’autre chaîne ils trouvèrent un homme angoissé, c’est alors que j’ai découvert que ma prostate, la salle aseptisée d’une clinique spécialisée, une blouse blanche immaculée, la prostate de l’inconnu en débat, sa mère que cela n’intéressait pas appuya sur la télécommande, passa à la musique d’un violon, à des soldats tués, elle dit qu’elle les connaissait, elle les avait déjà vus souvent à la télévision, elle baissa la tête pour attraper un morceau de pain et à cet instant apparurent sur l’écran d’autres morts qui n’étaient pas en uniforme, quand elle leva les yeux elle sursauta quand même mais elle s’aperçut que ces morts venaient d’encore plus loin et fut rassurée, les morts très lointains aux vêtements bizarres restèrent sur l’écran lumineux,

Dulce Maria Cardoso, Coeurs arrachés (Campo de sangue) Phébus, 2006

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